EDUCATEUR ET FORMATEUR VIRTUELS

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Articles de pedagogues


L'évaluation en éducation

L'évaluation en éducation

 

"Démarche ou processus conduisant au jugement et à la prise de décision . Jugement qualificatif ou quantitatif sur la valeur d'une personne, d'un objet, d'un processus, d'une situation ou d'une organisation, en comparant les caractéristiques observables à des normes établies, à partir de critères explicites, en vue de fournir des données utiles à la prise de décision dans la poursuite d'un but ou d'un objectif." ( Renald LEGENDRE – Dictionnaire de l'éducation, 1993-Guerin/ESKA )

   
 

L'évaluation est une pratique faisant partie intégrante de la condition humaine; elle intervient dans tout acte social soit-il, économique ou éducatif. Nul ne peut ainsi s'empêcher d'évaluer.

En effet, on peut évaluer ses propres actions pour, par exemple, se rapprocher d'un objectif, d'une norme; pour donner du sens à une action ou la rattacher à des valeurs et à des finalités. Comme il est possible d'évaluer les autres afin d'influencer leur décision, leurs actes; de leur faciliter l'accès à un niveau supérieur…

De manière générale, évaluer signifie recueillir des informations puis les analyser pour une prise de décision.

C'est aussi situer un élève par rapport à une institution ( programmes scolaires, compétences attendues en fin de cycle…).

On peut dire aussi qu'évaluer c'est porter un jugement de valeur dans une logique binaire ( bon / mauvais, juste / faux ) ou par positionnement sur une échelle chiffrée ( note de 0 à 10 ou 20 ).

Evaluer, c'est aussi vérifier qu'un enseignement a été efficace, en d'autres termes, c'est contrôler qu'un apprentissage visé a été réellement effectif, qu'un savoir, un savoir- être ou un savoir- faire a été acquis.

On peut affirmer alors que dans le monde de l'éducation, l'évaluation des apprentissages occupe une place importante que personne ne peut contester. C'est, d'ailleurs, un thème qui a suscité de nombreux débats et de nombreuses recherches mettant l'accent sur les nouvelles tendances et l'évolution de ses pratiques.

Elle est un processus complexe comportant donc une phase d'observation et d'analyse. Autrefois, son rôle se limitait à une attribution ponctuelle de notes chiffrées pour sanctionner les travaux des élèves. Notes dans lesquelles transparaissait inéluctablement la subjectivité des évaluateurs.

Mais de nos jours, elle est intégrée au processus d'enseignement / apprentissage et joue un rôle de régulation (ajustement de l'apprentissage et des actions pédagogiques de l'enseignement).

D'ailleurs, on assiste, de façon générale, au cours de ces dernières années à de nombreux changements. Changements qui s'opèrent au niveau de la structure des programmes (méthode d'élaboration de programmes par compétences), de la conception de l'apprentissage (du béhaviorisme au cognitisme), des objets d'évaluation (des connaissances aux compétences), du rôle des évaluateurs (d'un travail individuel à un travail d'équipe), des formes d'évaluation (du normatif au critérié), des outils de mesure (des tests de connaissances aux situations/problèmes) et de la manière de transmettre les résultats d'apprentissage (de la note chiffrée aux résultats descriptifs).

On peut dire que différentes recherches et courants pédagogiques sont à l'origine de ces changements. A titre d'exemples, on peut citer l'organisation des connaissances antérieures des élèves, le transfert des apprentissages et la métacognition, la motivation et le contexte social de l'apprentissage ainsi que la psychologie cognitive. Théorie qui peut être d'un grand apport à l'évaluation puisqu'elle présente des modèles du fonctionnement du cognitif permettant d'expliquer le développement de la pensée et l'acquisition des connaissances. Modèles qu'il faudrait prendre en charge dans la formation initiale des enseignants.

Par ailleurs, les champs de l'évaluation sont vastes et diversifiés. Ainsi, on peut évaluer les systèmes éducatifs, les établissements, les programmes, les manuels scolaires, les élèves… Même dans l'évaluation des apprentissages, ses facettes sont variées. En effet, on parle d'évaluation diagnostique, d'évaluation formative, d'évaluation sommative… D'ailleurs, elles constituent toutes des instruments indispensables pour les enseignants puisqu'elles leur permettent de situer leurs élèves et de vérifier leur niveau d'acquisition. De plus, ils peuvent "dépister" ceux en difficultés. En d'autres termes, elles permettent de cerner toutes les dimensions qu'ils désirent évaluer, autant le savoir que le savoir-faire et le savoir être. Pour ce faire, la planification d'un programme d'évaluation pour toute l'année scolaire est indispensable.

Les différents types d'évaluation

Au cours de la planification de ce programme, l'enseignant doit intégrer dans sa pratique de classe les diverses formes de l'évaluation par des activités évaluatives devant offrir aux apprenants des occasions pour améliorer leur niveau de réflexion tout en leur permettant d'apprendre à savoir, l'observation, les tests écrits, les QCM, les travaux écrits individuels et collectifs, les exposés, les devoirs à la maison, le travail et l'effort quotidien, les examens…

Avant tout apprentissage et surtout au début d'une année scolaire, par exemple, il est appelé à pratiquer une évaluation diagnostique ou pronostique pour qu'il puisse analyser les situations, les besoins, les profils ainsi que les prérecquis de ses élèves. Cette forme d'évaluation a pour objectifs essentiels d'évaluer leurs habiletés, leurs intérêts, leurs capacités, leurs difficultés et leur niveau de réussite; de déterminer non seulement les causes sous-jacentes à des difficultés d'apprentissage mais aussi les modifications à apporter au programme d'un élève, d'un groupe d'élèves ou de toute la classe. Cette évaluation ne doit pas figurer dans la note des apprenants.

En outre, pour évaluer les apprentissages de façon continue, il recourt à l'évaluation formative que Charles HADJI définit comme une évaluation ambitieuse mettant l'accent sur la régulation en cours de formation.

D'après lui, "elle tente de fournir à l'apprenant des informations pertinentes pour qu'il régule ses apprentissages et elle renvoie à l'enseignant un feed back sur son action qui lui permet d'adapter son dispositif d'enseignement. L'évaluation formative met l'accent davantage sur les processus évalués à travers les critères de réalisation". ( in: Evaluation, les règles du jeu).

Cette évaluation est définie par les courants béhavioristes comme "théorie de l'apprentissage" visant sa régulation externe alors que les socioconstructivistes affirment qu'elle vise une régulation interne mettant ainsi l'élève au cœur de son apprentissage et au cœur de son évaluation.

L'évaluation formative telle qu'elle est conçue, aujourd'hui, recouvre des stratégies faisant interagir la régulation pédagogique gérée par l'enseignant et la régulation de l'apprentissage gérée par l'élève. D'où l 'autoévaluation qui, selon Charles HADJI , "interroge les représentations, les références implicites à l'œuvre, les démarches ; cherche à comprendre un fonctionnement ou un dysfonctionnement, pour en dégager le sens et orienter l'action."C'est donc une évaluation interne, elle conduit le sujet à interroger, à réguler, à transformer son action. Elle a été définie par NUNZIATI comme un dialogue de soi à soi du sujet. Pour Linda ALLAL , c'est une « réflexion métacognitique, qui enclenche des autorégulations : qu'est-ce que je sais, qu'est-ce que je sais faire ? Comment je m'y prends ? Qu'est-ce que je peux modifier ? » .

En outre, ce type d'évaluation permet à l'enseignant de ne pas s'éloigner des objectifs à atteindre et de se rendre compte des progrès réalisés. Elle a pour objectif d'améliorer le processus d'enseignement / apprentissage. Ses résultats doivent être analysés et utilisés pour donner une nouvelle orientation aux efforts fournis et par l'élève et par l'enseignant lui-même. Elle intervient au cours d'un apprentissage et permet de situer la progression d'un élève par rapport à un objectif donné.

Cependant, elle peut le confronter à un problème l'obligeant à prendre une décision. De ce fait, elle met en évidence la nécessité d'une intervention, d'une remédiation, d'une régulation car elle permet de détecter les erreurs, d'amener des correctifs et d'assurer ainsi une meilleure coordination de l'apprentissage. C'est une évaluation essentiellement pédagogique et enrichissante dans la mesure où elle est un moyen permettant à l'apprenant de progresser.

Elle est donc un outil de régulation des apprentissages et des enseignements et "une composante d'une pédagogie différenciées". ( Philippe Perrenoud ). Effectivement, afin que chaque élève vive des situations "didactiques fécondes", il est nécessaire que l'enseignant sache ce que son élève a compris, acquis, comment il apprend, progresse; sache aussi sur quoi il " bute ", ce qui le perturbe, l'ennuie. En d'autres termes, il faut qu'il soit assez informé pour "optimiser"les situations d'apprentissage proposées à chaque apprenant.

En effet, c'est une évaluation qui permet de surmonter ainsi certains obstacles qu'un enseignant peut rencontrer, en classe, en pratiquant la pédagogie différenciée. Effectuée de manière rigoureuse, elle contribue à la construction d'une représentation précise des acquis de l'apprenant, de ses capacités; de sa façon d'apprendre, de son rapport au savoir…C'est ainsi que l'enseignant saura ce qu'il doit faire pour l'aider à apprendre. Par ailleurs, elle permet d'identifier les urgences, les difficultés qu'il faut prendre en charge en priorité. D'où remédiation et régulation interactive, rétroactive et proactive.

Enfin, à la fin d'une étape, d'un trimestre ou au terme d'un processus d'apprentissage, intervient, alors, l'évaluation sommative ou certificative . Evaluation permettant à l'enseignant de dresser un bilan, de faire un inventaire des compétences acquises ou une synthèse des apprentissages. D'où la prise de décisions relatives à l'orientation des élèves et ce, en fonction de leurs acquis. Cette évaluation relève beaucoup plus du contrôle que de la régulation puisqu'elle intervient, en général, pour établir une note ou délivrer un diplôme. "Elle sert à l'aspect formel et administratif de l'acte d'évaluer" (Louise M.BELAIRE, profil d'évaluation).

En définitive, qu'elle soit diagnostique dont les actions ont pour objectif principal d'orienter l'apprentissage des élèves , formative dans une perspective de régulation et de relation d'aide ou sommative pour une reconnaissance sociale des acquis, pour une attestation ou une certification, l'évaluation devrait incontestablement être perçue "comme un acte essentiel et positif", être pratiquée dans le respect de l'autre et avec une équité absolue . Ce n'est guère une tâche simple car elle représente un exercice où l'enseignant prend des risques, où il ne peut jamais être sûr d'avoir "bien" évalué…D'ailleurs, on ne cesse de faire des recherches pour améliorer les pratiques évaluatives afin de mieux évaluer et assurer ainsi une meilleure réussite aux élèves. Réussite leur permettant d'être capables de s'adapter aux changements perpétuels du monde qui les entoure. Changements devant être pris en charge par les réformes des systèmes éducatifs, entre autres, notre système qui doit aller dans le sens d'une meilleure prise en compte de nos élèves, futurs citoyens de demain.

                                                                                   Revue Educateur 2005

25/08/2008
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Le projet en tant qu'outil de pilotage et de management

Le projet en tant qu'outil de pilotage et de management

 
 

Notre société qui  est en pleine mutation, est désormais, confrontée à de multiples influences et aux nouvelles exigences économiques et sociales qu'elle doit prendre en compte dans la réforme de son système éducatif. Raison pour laquelle notre système  connaît de profonds changements  notamment cette année avec la mise en place de la troisième année de réforme des cycles d'enseignement primaire et moyen ainsi que la restructuration de l'enseignement secondaire. Changements ayant pour but d'assurer l'insertion  économique et sociale en mettant l'accent sur l'ouverture du système scolaire au monde économique et à la vie professionnelle tout en améliorant le processus d'orientation des apprenants , de développer les compétences-clés ainsi que les compétences transversales entre autres, les capacités d'analyse, de structuration et de mobilisation des acquis, et surtout, de tenir compte  de l'évolution technologique en adoptant de nouvelles approches pédagogiques telles que l'adoption de l'approche par compétences dans l'élaboration  des nouveaux programmes d'enseignement et des nouveaux manuels scolaires appropriés aux capacités de maîtrise des apprenants  ainsi que des méthodes pédagogiques actives les responsabilisant davantage  à savoir l'adoption des  projets qui se veulent une   réponse  aux défis du 21ème siècle. Projets dont les  types sont différents et dont l'initiative se trouve, généralement, à l'intérieur même d'un établissement scolaire. Ces types de projets  peuvent être distingués selon ces critères : les acteurs du projet, les objectifs, le lieu de sa réalisation et le ou les bénéficiaire(s) de ses résultats.

 

Il existe, par exemple, le Projet d'activité éducative  dont le champ d'application est la classe et les acteurs un groupe composé d'élèves et d'enseignants. Son objectif est de   réaliser une exposition, un compte rendu, une pièce de théâtre, un voyage scolaire… Bénéficient des résultats de ce type de projet  les acteurs eux-mêmes et ceux à qui cette réalisation est communiquée (les autres élèves, les parents…).

 

Par ailleurs, on peut citer le projet éducatif qui concerne pratiquement tous les membres de la communauté éducative (parents, élèves, enseignants, gestionnaires…).Son champ d'application  s'élargit à un réseau autour de l'école (quartier, milieu familial de l'élève, village) ; l'activité définie par ce projet a pour objectif d'aboutir à une meilleure insertion et à un meilleur équilibre de l'élève  en tant qu'individu autonome et responsable dans son environnement  scolaire et socioculturel.

 

Il y a aussi le projet pédagogique  qui concerne, quant à lui, soit  une  partie des enseignants soit tous les enseignants d'un établissement scolaire, c'est-à-dire une équipe pédagogique avec le chef d'établissement ; il n'est pas réalisé forcément en classe. Les activités définies doivent aboutir à une plus grande cohérence du travail pédagogique ; ces activités peuvent consister, par exemple, en la recherche de moyens pour prévenir l'échec scolaire ou le décrochage, en la redéfinition de l'évaluation,…

 

Comme, il y a le projet d'établissement dont on tentera de  définir  ses objectifs et décrire, brièvement, les caractéristiques dans lesquelles s'insère sa mise en œuvre ainsi que les différentes étapes de son élaboration. Il  « est une démarche pour améliorer le fonctionnement de l'établissement et résoudre ses problèmes et ce, en établissant une stratégie pour réaliser les objectifs définis par chaque établissement tout en tenant compte des objectifs nationaux, des textes législatifs en cours, d'une part, de ses spécificités géographiques, de son environnement économique, social et culturel, d'autre part .Dans ce projet, l'élève doit être le centre de toutes les préoccupations et l'axe de tous les efforts afin de réaliser le meilleur rendement possible avec la participation et la collaboration de tous les membres de l'équipe éducative et les différents partenaires de l'établissement ». (extrait du document élaboré par le ministère de l'éducation nationale).

 

C'est, donc, une démarche qui contribue à la mobilisation et à l'implication de tous les acteurs  que ce soit au niveau de la conception, de la mise en œuvre ou de l'évaluation, c'est pourquoi il est considéré comme un  outil  de management. C'est aussi un outil de pilotage basé sur la « cohérence » entre les différents acteurs, entre l'établissement et son environnement, entre l'établissement lui-même dans son fonctionnement et ses objectifs, entre les établissements scolaires voisins et surtout en cohérence avec les attentes et les évolutions actuelles.

 

Il est un ensemble d'actions ;  sa réalisation se fonde sur l'élaboration d'un programme. Il est un acte d'anticipation et de projection dans le futur propre à chaque établissement et à son histoire. Il est l'expression d'une volonté de changement  mais dans le cadre réglementé du système éducatif qui exige le respect de la réglementation nationale  (programmes, horaires...)

 

De plus, il est considéré comme un moteur de l'innovation pédagogique ; innovation qui n'est pas décidée par le Ministère de l'Éducation Nationale seulement, mais émane de l'établissement lui-même qui peut définir, en fonction de ses besoins spécifiques, le contenu de son projet (qu'il soit d'ordre pédagogique, social ou culturel),  les objectifs et les moyens de sa mise en œuvre.

 

Cette démarche de projet  permet ainsi à chaque établissement, par les choix éducatifs et pédagogiques qu'il exprime, de se construire une identité propre, de créer une dynamique,  de  favoriser la communication entre tous les acteurs de la communauté éducative et d'apporter les solutions  les mieux appropriées aux besoins de ses apprenants et des aspirations de ses enseignants. Ainsi, la finalité d'une telle démarche est  d'améliorer principalement la réussite scolaire par l'innovation et le changement au sein de cette communauté.

 

De ce fait, pour élaborer un projet d'établissement, il faut connaître les caractéristiques de l'établissement et pour les connaître, il existe des instruments d'observation de plusieurs types tels que les analyses institutionnelle, fonctionnelle…

Et pour entrer dans une démarche de projet, chaque établissement scolaire a besoin d'une stratégie spécifique. Cette stratégie est caractérisée par :

·        le repérage des blocages en recherchant les obstacles sur les plans (relationnel, matériel et des éléments de contraintes extérieurs) qui sont susceptibles de s'opposer à la réalisation d'une volonté commune,

·        la recherche d'adhésion de chaque intervenant pour réussir un projet ; cette adhésion se fait à trois niveaux : au niveau  de la communauté, des catégories d'intervenants et de chaque individu (contrat moral),

·        la recherche de la mobilisation qui fait intervenir toutes les personnes impliquées.

         

  L'implication de tous est nécessaire mais non obligatoire car elle est un choix individuel. Mais ce qui permet de donner envie de s'impliquer dans le projet d'établissement, c'est la dynamique de sa démarche ; la mobilisation est, donc, nécessaire puisqu'elle  prépare les intervenants à s'engager dans l'action.

 

Par ailleurs, un calendrier est nécessaire, la démarche de son élaboration s'étale sur toute l'année scolaire et commence un an  avant son application.

 

 Le tableau ci-contre (extrait d'un guide de la collection « une école pour l'enfant. Des outils pour les maîtres », Hachette) pourrait être un moyen utile et adaptable pour rédiger et vérifier la cohérence d'ensemble d'un projet d'établissement.

 
     
   
     
 

L'élaboration du projet d'établissement, comme le montre ce tableau, contient, donc, des phases fonctionnelles qui s'articulent entre elles : analyse de la situation, choix d'objectifs spécifiques à l'établissement, opérationnalisation de ces objectifs, mise en œuvre des actions et suivi et évaluation des résultats.

 

L'analyse de la situation de l'établissement  est l'étape première de tout projet, elle est basée sur le recueil des données, l'observation des opinions, la perception des problèmes et l'analyse des résultats. En d'autres termes, c'est  le diagnostic de l'établissement et de la spécificité de son environnement ; c'est un état des lieux des besoins, la prise en compte des objectifs nationaux et le repérage des difficultés rencontrées.

 

La deuxième définit les objectifs prioritaires pour une période donnée et organise ces objectifs dans un souci de cohérence. Cela concerne l'aspect pédagogique, la vie scolaire, l'orientation et l'ouverture de l'établissement sur son environnement. La troisième représente  l'étape de mobilisation des moyens. Ainsi, en fonction des objectifs sélectionnés,   la  constitution de l'équipe de pilotage, la détermination des ressources financières et l'organisation de l'emploi du temps sont nécessaires. Quant à  la dernière, elle prévoit des moments de régulation, la formation des personnels, l'utilisation des moyens et les équipements nécessaires.

 

Le projet définitif est adopté par le conseil d'administration  d'éducation après une première « mouture »puis soumis à l'avis du Centre de Coordination des Projets d'Etablissement (CCPE) qui a  pour objet de promouvoir, de coordonner, de gérer et d'évaluer les projets d'établissement et de les  reconnaître officiellement. Ce centre  existe dans certains  pays développés ayant appliqué la démarche de projet.

 

 Ce même projet passe alors à la phase de réalisation  puis vient la phase d'évaluation qui a pour but de vérifier l'efficacité de l'action. Elle porte sur tous les aspects du projet (procédure de mise en œuvre, méthodes, résultats, implication des personnels, de l'équipe de direction…). Cette évaluation permet une amélioration constante.

 

Il faut souligner que la rédaction du projet est importante, elle concerne toute l'équipe pédagogique sous la coordination du directeur de l'établissement ; c'est là où tous les concernés s'approprient le projet et s'assurent de sa cohérence. Cette rédaction n'est pas une simple formalité administrative. Elle représente un travail de réflexion approfondie de toute l'équipe pédagogique sur les stratégies à mettre en œuvre pour un meilleur fonctionnement de l'établissement et un meilleur rendement des résultats des élèves.

 

En outre, on peut dire que l'application du projet d'établissement est soumise à la disponibilité des ressources nécessaires. Une fois que les ressources sont connues, il faut définir les actions prioritaires à entreprendre. Des paramètres permettent de hiérarchiser ces actions à savoir  la prise en considération des impératifs vitaux ainsi que le réalisme  matériel   et  humain.

 

Enfin, pour avoir des informations précises sur l'application effective de la démarche de projet dans nos établissements scolaires sur les plans réglementaire, organisationnel et pédagogique, nous avons jugé utile de réaliser un entretien avec Monsieur Abdelkrim TEBBOUNE, responsable du dossier  «  projet d'établissement » au Ministère de L'Education Nationale.

 

                                                 Par Mme BELANTEUR Aicha et

                                                  Melle BOUKERTOUTA Habiba

 
     
                                                                                                         Revue Educateur N°6

25/08/2008
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L’enseignement des langues Etrangères dans les systèmes éducatifs algériens

L’enseignement des langues Etrangères dans les systèmes éducatifs algériens .

 

 

 

   Par Aoussine Seddiki, Université   d’Oran

  EMAIL :aouseddiki@yahoo.fr

 

ALe domaine de l’enseignement des langues

étrangères (L.E) au niveau des différents paliers du système éducatif algérien fait régulièrement l’objet de réflexion et d’analyse au plan des objectifs, de la méthodologie, des contenus, des supports didactiques et du perfectionnement et recyclage des enseignants. Compte tenu de son statut particulier et de l’environnement socioculturel algérien l’enseignement du français intervient en tant que première L.E en deuxième année du cycle primaire.

 
 

Les élèves découvrent ensuite en première année de l’enseignement moyen la deuxième L.E qui est l’anglais. En deuxième année de l’enseignement secondaire les élèves des filières langues étrangères et lettres et sciences humaines ont le choix optionnel entre l’espagnol ou l’allemand avant un statut de troisième L.E.

 

Le Ministère de l’Éducation Nationale se trouve ainsi dans l’obligation d’affecter un nombre important d’enseignants pour couvrir les besoins de l’ensemble des établissements des différents cycles en L.E Néanmoins il est utile de souligner le manque d’enseignants dans cette matière notamment dans les établissements situés dans la région du sud de l’Algérie. Ceci concerne particulièrement l’enseignement du français qui exige un grand nombre d’enseignants car cette première. L.E est assurée dés la deuxième année primaire.

 

A la question de l’affectation des enseignants s’ajoute le volet de la confection des manuels et des supports didactiques pour l’enseignement des différentes L.E (français, anglais, allemand, espagnol) qui nécessitent la mobilisation d’importants moyens humains, techniques et financiers en vue de la couverture des besoins réels.

 

Dans la perspective de l’amélioration de l’enseignement des L.E le ministère de tutelle organise régulièrement des séminaires régionaux de perfectionnement et des rencontres d’experts. Dans le cadre de l’échange d’expériences et d’informations il est aussi fait appel à des institutions compétentes étrangères installées en Algérie ; nous citons ici à titre d’exemple les différents programmes de coopération avec le Centre Culturel Français, l’Institut Goethe, le British Council, l’Institut Servantes et le service culturel de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Alger.

 

En ce qui concerne les objectifs linguistiques les programmes des L.E adoptés dans le système éducatif visent principalement à amener les élèves à comprendre, parler, lire et écrire une langue courante sous ses différentes formes simples ou complexes. Au plan intellectuel il s’agit d’initier les élèves aux techniques d’analyse et de synthèse et de les entraîner à des activités pratiques de la vie quotidienne (savoir téléphoner, rédiger un télégramme, écrire une lettre privée ou officielle, utiliser un ouvrage de référence,…). En  outre le paramètre culturel est aussi pris en  compte dans les programmes. Les élèves doivent se familiariser avec des faits significatifs contemporains des différentes cultures et civilisations des pays des langues cibles.

 

Ceci manquait dans les anciens manuels scolaires. Le développement de la compétence interculturelle orale et écrite représente également l’un des principaux objectifs de l’enseignement/apprentissage des L.E Les élèves doivent acquérir la capacité de s’exprimer sans difficulté particulière avec des partenaires étrangers sur des thèmes et des situations spécifiques aux cultures des l.E mais aussi à leur environnement socioculturel. Finalement il est utile de souligner que le phénomène de la mondialisation impose sa propre orientation en matière de politique linguistique Compte tenu du processus de la globalisation et l’ouverture de l’économie algérienne sur le marché international il est important de développer les capacités linguistiques des élèves leur permettant de tenir le pas avec l’évolution des rapports socioculturels, économiques et politiques. Au sein de tous ces bouleversements, l’enseignement/ apprentissage des L.E interpelle les enseignants et les chercheurs au quotidien.

 

Afin de répondre aux attentes, besoins et réalités de l’heure, l’objectif de l’enseignement/Apprentissages des L.E consiste à faire prévaloir la réflexion et le débat intellectuel, suivis de propositions et de recommandations visant l’optimisation des compétences linguistiques de nos apprenants qui ne sont autres que les futurs dirigeants du pays.

 

Pour terminer cet article je voudrais citer le grand écrivain et poète allemand Johan Wolfang Von Goethe qui souligne l’importance de l’apprentissage des L.E en écrivant : « Celui qui ne connaît pas des langues étrangères ne sait rien sur sa propre langue ».

 

                                                                                 Revue l ' EDucateur

25/08/2008
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L’apprentissage des langues étrangères et le multimédia

L’apprentissage des langues étrangères et le multimédia .

 

 

 

 

   Par  Mme BELANTEUR Aicha

           Mell BOUKERTOUTA Habiba

 

   A

 L’apprentissage des langues étrangères connaît un renouvellement important notamment au cours de ces dernières années.

 
 

 

En effet, leur enseignement a été remis en question que ce soit au niveau des objectifs, de la conception, des méthodes et des moyens utilisés, de la dynamique de la classe, du rôle et de la formation des enseignants ou des programmes et des examens. D’où élaboration d’une nouvelle pédagogie basée sur les méthodes actives et l’approche par compétences ainsi que de nouveaux programmes dont la logique d’apprentissage mène les élèves vers l’autonomie d’une manière progressive.

 

Par ailleurs, avec ces nouvelles méthodes d’enseignement, l’apprentissage de ces langues met l’élève au centre de la pratique pédagogique en favorisant la réalisation de projets collectifs ou individuels. Il faut souligner que l’objectif principal de cet apprentissage est le développement de compétences de compréhension et d’expression à l’écrit et à l’oral. Raison pour laquelle il prend appui, non seulement, sur des textes mais aussi sur des documents sonores de toutes formes d’enregistrement et des images fixes ou animées. Ainsi, le texte est considéré comme un support d’un travail sur la phonologie tandis que l’image est un support de la compréhension.

 

A l’ère de la mondialisation et avec l’évolution des technologies de la communication et de l’information, on constate « un attrait grandissant » pour le multimédia. On assiste, donc aujourd’hui, à l’installation de l’outil informatique et de ses applications multimédias dans les établissements scolaires. Une question s’impose, alors : que peuvent-ils apporter à l’apprentissage des langues étrangères ?

 

Ces nouvelles technologies peuvent, sans aucun doute, être d’un grand apport à l’enseignement des langues étrangères car elles constituent un domaine d’apprentissage les utilisant non comme de simples supports d’information mais comme des objets d’études et d’analyse.

 

C’est ainsi que le multimédia favorise l’interactivité qui donne aux élèves « l’illusion d’être à bord et d’être soudainement investi d’un certain pouvoir par comparaison avec les autres modes d’apprentissage. » (Langues et multimédia, p56). Il leur permet, aussi l’accès à diverses ressources matérielles telles que les encyclopédies, les cours de syntaxe et de lexique avec exercices, les cassettes audio ou vidéo… Ressources leur donnant, ainsi, la possibilité de consulter, sélectionner selon leur rythme, leurs besoins, leurs capacités, s’entraîner sur des batteries d’exercices, d’interroger, d’échanger, de demander des explications et de s’auto – évaluer.

 

En d’autres termes, ils peuvent mettre en application leurs connaissances et acquérir des compétences linguistiques et communicatives et ce, en mettant en œuvre la manière d’apprendre qui convient le mieux à chacun. Et de là, ils se trouvent dans une situation d’interactivité individualisée adaptée à l’appropriation d’un savoir, c’est – à – dire, la maîtrise des outils de la langue.

Néanmoins, pour ce faire, il faut que les enseignants les aident à développer des stratégies d’apprentissage favorisant l’autonomie et un apprentissage conscient et significatif notamment les stratégies de mémorisation, de compréhension / production, ainsi que les stratégies communicatives.

 

Par ailleurs, si on prend l’exemple de la pratique de classe traditionnelle, on remarque que la phase « compréhension orale » ou dite aussi de l’écrit, se limite à identifier le sens du support textuel à partir de questions telles que « qui, que, quoi, où, quand, pourquoi, comment ? » car l’objectif est de vérifier la compréhension du texte. Mais, il ne faut pas négliger l’identification de la chaîne parlée puisqu’elle permet, aussi, l’accès au sens d’où le rôle important de ces outils multimédias dont les cédéroms, les logiciels… qui offrent à la fois le texte, l’image et le son, car comprendre c’est aussi entendre.

 

Il est clair aussi que faire acquérir aux élèves des compétences communicatives est l’un des objectifs principaux de l’apprentissage d’une langue étrangère. Alors, les enseignants disposent, au moyen du multimédia, d’un éventail de situations de communication où les élèves sont réellement des interlocuteurs d’une interaction authentique et où la langue est un moyen de communication qui fonctionne dans la réalité et  l’échange.

 

 Autrement dit, l’intégration des outils multimédias en classe permet à l’enseignant de les utiliser- notamment l’ordinateur- comme des supports didactiques favorisant l’apprentissage et ce, lorsqu’ils sont utilisés à bon escient  et dans un but précis.

 

Cette intégration peut se faire à différents moments de la progression du cours et lors des différentes phases d’apprentissage. Et pour qu’elle soit réussie et bénéfique, il serait utile d’élaborer un travail préparatoire ; travail aidant à structurer la séquence d’apprentissage, d’une part, et déterminer avec précision les objectifs à atteindre ainsi que les résultats escomptés, d’autre part.

 

ACe travail préparatoire consiste à répondre à certaines questions importantes résumées dans le tableau ci-contre :

 

 Les paramètres de l’intégration

Réflexion/Décisions à prendre/Tâches 

Quoi ?

Définir le support à utiliser ainsi que le sujet en fonction des besoins repérés et la tâche.

Pourquoi ?

Mettre en relation le support multimédia avec les autres supports possibles

Pour qui ?

Cibler le public, le définir

Pourquoi faire ?

Définir les résultats attendus en terme d’objectifs, mais aussi s’interroger sur l’activité réelle des élèves.

Quand ?

En fonction des tâches, décider des moments propices à l’intégration : avant, pendant, après…nécessité de décrire le déroulement de la séquence pédagogique ou du scénario

Comment ?

Organisation matérielle : lieux de travail, horaires, temps alloué…Répartition des tâches et des rôles.

 

D’après Micheline Hérino, Jean-Yves Petitgirand  « langues et multimédia »,p113

Ainsi, pour intégrer ces outils dans l’apprentissage des langues étrangères deux démarches peuvent être adaptées. Pour faire acquérir aux élèves des connaissances linguistiques ou développer en eux une habileté particulière, il serait souhaitable d’adopter la démarche intégrative. Mais pour élaborer un projet ou effectuer des tâches complexes qui sont proches de la réalité telles qu’un scénario, la démarche « holistique » serait plus appropriée car elle « entraîne un contexte socio-affectif riche » où les rôles et les tâches sont partagés et la participation des élèves est volontaire. L’objectif principal de cette démarche est de leur faire développer le sens de l’initiative et l’autonomie.

 

Par ailleurs, le choix du scénario est significatif dans l’apprentissage d’une langue car pour chacune de ses étapes- qui requière des compétences linguistiques et des savoir-faire-les élèves devront réaliser des activités spécifiques les amenant à enrichir leur lexique, à intérioriser les structures grammaticales, à développer la compréhension de l’écrit et de l’oral, à acquérir des techniques et des stratégies de communication ainsi qu’un savoir-faire.

 

D’ailleurs, il peut être appréhendé en pédagogie différenciée étant donné que chaque élève peut accomplir une tâche ou réaliser une activité bien déterminée selon ses capacités, son rythme, sa progression et ses centres d’intérêt. Toutes les tâches et activités proposées dans le scénario peuvent constituer une évaluation, qui peut être individuelle ou collective.

En définitive, il est clair qu’ « à nouvelles technologies, nouveaux rôles, nouvelles attitudes, nouveaux comportements. Autant pour les enseignants que pour les apprenants. » (Nicole Bucher-Poteaux) 

 

Il faut, donc, admettre que l’intégration des outils multimédias dans nos établissements scolaires ne sera pas une tâche facile. Le défi est grand, néanmoins, l’enjeu est « noble » et important car il va de l’avenir de nos futurs citoyens dans un monde où la technologie ne cesse de progresser à une vitesse accélérée.

 

 

Les Nouvelles Technologies de la Communication et de l’Information, entre autres ces outils multimédias, sont le fruit du progrès. Elles existent pour élargir le champ des connaissances notamment celui des enseignants de langue qui doivent mettre ces nouvelles technologies au service de leurs tâches éducatives.

 

Enfin,pour une meilleure exploitation, il est indispensable que les enseignants ainsi que les élèves maîtrisent techniquement ces outils(souris, clavier…), qu’ils soient initiés à leur maniement et bien familiarisés au préalable avec ce matériel ; matériel devant être toujours adapté au type de tâche

 à effectuer.

 

 

 

 

extrait revue l'Educateur


25/08/2008
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Les bons usages de la langue



Pour la langue parlée, Claire Blanche-Benveniste déplore l’absence d’une collecte sérieuse de corpus oraux qui permettrait d’établir une grammaire de la langue vivante d’aujourd’hui. Pour la langue écrite à enseigner à des étrangers, elle part des enseignements fournis par l’expérience Eurom 41 et propose des moyens simples pour faciliter l’accès au sens à l’usage des débutants qui apprennent le français.

Novembre-décembre 2007 - N°354



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Les grammaires décrivent la langue écrite. Or un individu est considéré comme « parlant bien» même s’il ne respecte pas toutes les normes de l’écrit. Comment les enseignants peuvent-ils enseigner le bon usage de la langue parlée ?

L’idéal serait de pouvoir fournir aux professeurs un corpus de productions de langue parlée qui leur serve de modèles. Malheureusement il en existe très peu de disponibles en français. Pour pouvoir observer la langue qui se parle véritablement, il est nécessaire de disposer d’un corpus d’enregistrements et de transcriptions fiables. Mais pour travailler correctement, on doit disposer de données d’envergure.

Pourquoi ne dispose-t-on pas d’un corpus sérieux du français parlé ?

Les grandes collectes d’enregistrements sont longues à établir et couteuses, lorsqu’elles sont sérieusement faites. Elles réunissent un échantillonnage très varié avec toutes sortes de prises de parole publiques, professionnelles, privées, familières... Ces collectes existent en anglais, en portugais, en allemand, en italien, en espagnol, en néerlandais, en suédois... mais pas en français ! Les Néerlandais estiment que dans cette opération un mot coute un euro, et qu’il est nécessaire de se fixer un objectif d’à peu près dix millions de mots ! Le Groupe aixois de Recherche en syntaxe a réalisé un tout petit corpus dans les années 1990, avec peu d’argent. Il est insuffisant et n’est pas disponible publiquement.

Comment réalise-t-on ce type de corpus ?

On procède par enquêtes et les possibilités techniques actuelles permettent de stocker tout ce qui parait intéressant (extraits ou textes longs). La difficulté apparait plutôt au stade de la transcription. C’est la phase qui coute le plus cher. Pour être utilisables, les enregistrements doivent être transcrits de façon rigoureuse. C’est un travail difficile car, lorsqu’on écoute sa langue maternelle, on procède à une reconstruction de toutes les approximations. Écouter vraiment demande une discipline contraignante. Cet exercice de décryptage est long et requiert des exécutants bien entrainés... ce qui coute cher. Un bon transcripteur doit être attentif au découpage des mots, aux silences, au timbre des voyelles... La collecte de langue parlée est un travail difficile et passionnant parce qu’il restitue la langue vivante qui se parle couramment aujourd’hui. La France n’a pas investi un budget suffisant pour que nous disposions d’un corpus utilisable. Peut-être ce corpus verra-t-il le jour grâce à des fonds européens…

Lorsqu’on dispose du corpus, on peut établir une grammaire ?

Lorsqu’on dispose de transcriptions, on peut établir une grammaire. Après l’enquête et la transcription vient l’exploitation. Les Anglais ont établi de cette façon une superbe grammaire qui décrit la réalité de nombreux usages de leur langue2. Reposant sur la collecte et grâce aux facilités offertes par l’informatique, le corpus permet de répondre à toutes les questions d’ordre grammatical : quand emploie-t-on telle préposition ? Après quel verbe ? Dans quel type de langage (familier, professionnel...) cette expression est-elle utilisée ? Etc. (voir encadré page suivante). Sur les petits corpus dont nous disposons, nous établissons quand même des « concordanciers » qui montrent la concordance entre un élément et son entourage. Par exemple, quand on emploie en ce qui Concerne ou le fait que, je dispose de toute une liste d’emplois en contexte. Je peux aussi étudier sérieusement la répartition entre il y aura (qui met les énoncés à distance) et il va y avoir, entre on fera et on va faire. Il est facile de savoir dans quel cas et après quels verbes les Français emploient le subjonctif. Des façons de parler propres à l’oral du genre quoi comme peuvent être mesurées dans leur utilisation et leur fréquence d’emploi. Dans des phrases telles que « tu prends quoi comme dessert ? », quoi comme remplace quel. La structure dissociée est très fréquente ; elle est propre au langage courant familier mais ne se trouve pas dans le langage public ou professionnel. Nous pouvons le savoir car, dans la collecte, les prises de parole sont classées et renvoient à des types de situations et de locuteurs. Il vaut mieux savoir qui parle et si c’est un avocat, s’il parle en public, en privé ou s’il parle de son métier. En effet, nous avons découvert que lorsque les gens parlent de leur profession, ils utilisent le langage de leur métier ; on le vérifie jusque dans les tournures grammaticales. Par exemple dans un enregistrement, une secrétaire comptable dit quelque chose comme « nous inscrivons cela dans nos registres, lesquels registres sont vérifiés tous les mois » ; elle emploie des tournures professionnelles pour parler de son métier.

Comment enseigner la langue parlée aux étudiants étrangers ?

L’enfant apprend de façon spontanée, mais dans les conditions d’apprentissage qui sont celles d’un enseignant face à des élèves ce n’est plus possible. Il est donc nécessaire d’enseigner un français surveillé, exemplaire en quelque sorte. On ne peut devenir familier avec une langue que quand on la connait bien. Quelqu’un qui n’a pas la bonne intonation et emploie des tournures très familières est vite ridicule. Par ailleurs, le langage spontané est difficile, il utilise énormément de raccourcis, procède par allusions, emploie un vocabulaire spécifique. C’est vrai pour toutes les langues mais en particulier en français où l’on trouve beaucoup de confusions possibles dues à la prononciation : « désastre » se confond avec « des astres », « je parle vendredi » avec « je pars le vendredi », etc. Les prononciations rapides sont aussi très gênantes. L’étranger doit les comprendre mais ne pas les produire avant de très bien maitriser la langue. Il doit comprendre que [paskɘ] est le raccourci de [paʀsɘkɘ], [kɛkʃoz] pour [kɛlkɘʃoz], [kat] pour [katʀ], etc. Mais on doit lui apprendre « il n’y en a pas » et non « y’en a pas ».

Existe-t-il des modèles à donner en exemple aux élèves français ou étrangers ?

Nous manquons de bons modèles de français parlé. Quand j’interroge les instituteurs, ils avouent ne pas en connaitre non plus. Les présentateurs de radio ou de télévision représentent un certain standard de la langue, mais ils sont dans une situation très différente des étrangers qui apprennent le français. Je souhaiterais qu’il s’agisse plutôt de quelqu’un qui prenne la parole pour expliquer quelque chose. On trouve de bons exemples de spécialistes (et surtout parmi les scientifiques) dans les conférences de l’Université de tous les savoirs3. Pour moi, un locuteur exemplaire sait commencer ses phrases sans les scories habituelles (du type « Bon, ben, moi je... ») ; il sait les boucler ; il ne se ralentit pas par trop d’hésitations (mais quelques-unes sont normales) ; il est exempt de vulgarités, en revanche il peut commettre toutes les banales infractions à la langue dans les négations ou les interrogations par exemple. À table, il dira sans doute : « Vous préférez quoi comme dessert ? », mais dans l’exercice de son métier, il dira vraisemblablement : « Quelle solution choisissez-vous ? » Tout dépend de la situation.

Le maitre peut-il servir de modèle pour ses élèves ?

Non, on ne peut pas être un modèle sans y avoir été entrainé. Un maitre devrait avoir à sa disposition au moins une dizaine de discours exemplaires d’une minute qui lui permettraient de s’entrainer. Il pourrait décider de ce qui est l’exemplarité pour lui. Il serait bon que lucidement et volontairement, il se constitue des modèles pour lui-même et pour sa classe. Des voix de femmes et d’hommes qui aient une prononciation limpide, qui ne fassent pas disparaitre de syllabes, qui évitent les parenthèses et ne donnent pas lieu à trop d’hésitations. Il faut que ce soit beau, qu’on ait envie d’imiter ce modèle et que l’enseignant puisse dire : « Si tous mes élèves parlaient comme cela je serais content. » Je pose souvent cette question aux instituteurs : « Comment voulez-vous que vos élèves écrivent ? Quel est le modèle ? Voulez-vous qu’ils écrivent comme Le Monde, comme Proust, comme Marie-Claire ? » Si les maitres fournissaient vingt modèles d’une page de français écrit, ce serait très utile aussi bien pour l’enseignement de la langue maternelle que pour celui de la langue étrangère. Vers 1880, quand on a publié les textes pour l’enseignement de la rédaction à l’école, les maitres ont eu le courage d’écrire des textes modèles pour la rédaction.

Comment sensibiliser les élèves à l’organisation de la langue sans les accabler de termes grammaticaux ?

Les psycholinguistes ont observé depuis longtemps que la disposition syntaxique « SVO » (sujet/verbe/objet) facilite considérablement le déchiffrage des débutants. Nous avons fait la même expérience lors du projet Eurom 4. La notion de sujet à été abordée de façon intuitive à partir de la notion scolaire. Dans le cas des langues romanes, le il impersonnel du français a constitué une réelle difficulté pour les natifs des autres langues. Habitués à la suite SVO, les élèves s’interrogeaient sur l’identité de l’agent dans « Il pleut » par exemple. La notion de verbe présente certaines difficultés dans une phrase comme « Le président a été traité de marionnette », où un étranger distingue normalement trois verbes. Nous avons choisi de désigner le verbe tête traiter par un grand « V », les autres sont notés par des petits « v ». On n’explique rien, on ne parle pas d’auxiliaire et on utilise une représentation facile : [Le président] [a été traité] [de marionnette] S v v V O La notion d’objet a été traitée de façon très large et très souple. Nous étiquetons « O » tous les compléments dont l’absence rendrait impossible l’emploi du verbe. La désignation « O » couvre à la fois les compléments d’objet directs ou indirects, les attributs, les compléments de temps, de lieu ou de manière. Lorsque le verbe est accom- pagné de plusieurs compléments, nous les numérotons selon leur ordre d’apparition : [Ils] [invitaient] [des dissidents] S V O1 [à des réunions diplomatiques] O2 Ces trois éléments sont indispensables et l’expérience montre qu’ils sont suffisants pour une approche avec des débutants. L’idée est de simplifier au maximum le métalangage en utilisant, comme c’est le cas ici, des indices répandus et connus au plan international. Une telle démarche mise sur l’intuition, ne se perd pas en raffinements et évite les discussions relatives aux classifications.

Comment créer une véritable progression dans l’apprentissage de la syntaxe ?

Saisir le groupe « SVO » permet de commencer à faire des hypothèses sur le sens. Ce qui parait complexe du point de vue de la syntaxe est dû la plupart du temps à la difficulté de repérage de ce groupe. Les sujets inversés, les subordonnées anté posées, les verbes à la voix passive, dérangent cet ordre et provoquent un obscurcissement du sens. Les obstacles sont les mêmes pour un mauvais lecteur ou auditeur dans sa langue maternelle que pour un débutant dans une langue étrangère. L’obstacle le plus important pour la compréhension réside dans la présence de parenthèses ou d’incises qui interrompent la continuité des constituants « SVO ». Dans sa langue maternelle, on établit assez facilement une hiérarchie entre les strates du discours, les étrangers en revanche ont du mal à opérer ce repérage. Il faut les y aider. Tout ce qui s’insère avant ou entre S et V ou entre V et O crée la panique ; il faut enlever ces pièces rapportées. En partant d’un article de journal (les textes de journaux sont toujours compliqués !), on peut faciliter la tâche aux apprenants en supprimant dans un premier temps les éléments qui empêchent de distinguer la structure fondamentale des phrases. La technique consiste à appauvrir le texte, puis à l’enrichir petit à petit, pour retrouver le texte initial (voir encadré ci-dessus). Les enrichissements doivent être faits de façon systématique et méthodique si on veut aider à la découverte du sens. Cette opération s’effectue sans métalangage. Ceux qui procèdent à la réduction puis à l’enrichissement doivent connaitre la grammaire et savoir comment s’y prendre. Mais ceux qui apprennent n’ont besoin d’aucune connaissance spécifique. L’important est que cela paraisse facile à ceux qui découvrent progressivement le sens4.

Propos recueillis par FRANÇOISE PLOQUIN auprès de CLAIRE BLANCHE-BENVENISTE (Université de Provence et École Pratique des Hautes études à Paris)



Notes
1. Le projet consistait à apprendre à lire à des adultes dans trois langues romanes, à partir de celle qui était leur langue maternelle. Les langues étaient le portugais de Lisbonne, l’espagnol, l’italien et le français. Les textes étaient des articles de presse d’abord d’une dizaine de lignes et, à la fin de 30 h de cours, de 150 lignes.
2. Longman Grammar of Spoken and Written English, D. Biber, S. Johansson, G. Leech, S. Conrad, E. Finegan, Éd. Longman, 1999.
3. www.canal-u.education.fr
4. Ces thèmes et plusieurs autres sont développés par C. Blanche-Benveniste dans : « Corpus de langue parlée et description grammaticale de la langue », in Langage et société (à paraitre) et « Proposition pour une progression dans la complexité syntaxique », in Actes du colloque GISCEL, Viterbo, 2006 (à paraitre).

18/08/2008
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