EDUCATEUR ET FORMATEUR VIRTUELS

EDUCATEUR ET FORMATEUR VIRTUELS

Statut LMD(1ere partie)

Du LMD au statut de l'enseignant chercheur (1re partie)

Nous avons parlé dans le précédent article du LMD, de sa genèse. Il nous faut maintenant le relier au nouveau statut de l'enseignant chercheur et voir comment ils s'articulent ensemble. Moi, qui suis docteur d'Etat en histoire et en sociologie politique et censé être en état d'interpréter et d'expliquer les dimensions cachées des choses et des phénomènes, je m'avoue impuissant à saisir le sens du LMD et de ce statut de l'enseignant que l'on tente d'appliquer au contexte algérien.



Pourtant, je suis bien obligé en tant qu'enseignant et chercheur de me questionner afin d'essayer de comprendre et de me faire l'exégète des textes issus des circulaires, des réunions et des assises nationales. Et dès lors, je me pose la question : qu'apporte de nouveau le statut particulier de l'enseignant chercheur, échafaudé comme en catimini et sans concertation avec les intéressés ? La même question se pose à propos du système Licence-Mastère-Doctorat (LMD) : comment est-il possible de « copier » et de transposer mécaniquement un système d'enseignement élaboré ailleurs dans un environnement social et économique autre que celui auquel il est destiné ? Sait-on que le LMD a été le produit d'une réflexion collective et longuement mûrie entre les parties prenantes de l'Union européenne ? Discuté et développé de manière à s'harmoniser avec les institutions, les attentes et les besoins des membres qui le composent, le LMD a fait l'objet non seulement de concertations et d'accords entre les pays membres de l'Union, mais aussi et surtout entre chacun d'eux et la communauté universitaire, les syndicats et les parents d'élèves. N'étaient ces concertations multilatérales et ces accords entre toutes les parties prenantes autour des enjeux politique et culturel (unité politique, économique, monétaire et culturelle…) face au reste du monde, ce LMD n'aurait pas été institué. Il n'est pas le résultat d'une décision bureaucratique précipitée ou irréfléchie, mais le produit d'une stratégie longuement élaborée en fonction d'une foule de variables d'importance inégale, mais articulées de manière cohérente. Parmi ces variables, il faut citer l'environnement politique, économique et culturel qui, d'un bout à l'autre de l'Europe, se prête à merveille à l'application du LMD en raison de l'unification de la législation et de la cohérence du contenu et de la visée de l'enseignement et de la recherche adoptés. Quoique l'Europe soit une mosaïque d'Etats, une sorte de tour de Babel où toutes les langues se croisent et interfèrent les unes avec les autres, elle a réussi malgré tout à surmonter ses obstacles linguistiques en fondant un système d'enseignement adapté et lisible pour chacun de ses membres constitutifs.

Dès lors se posent des questions de taille, pourquoi notre pays importe-t-il, comme il le ferait d'une machine à coudre, un système d'enseignement, fut-il efficace et performant, alors qu'il ignore la manière et l'esprit avec lequel il a été conçu ? Suffit-il de copier les « modes d'emploi » du LMD et de les appliquer mécaniquement pour que le système réussisse ? Comment peut-il venir à l'esprit, tant soit peu logique, qu'un système conçu pour être appliqué à un environnement particulier puisse l'être dans un autre, complètement différent quant à ses moyens, ses structures mentales et psychologiques, quant à ses méthodes, son savoir-faire et sa représentation du monde ? Le décret exécutif n° 08-130 du 3 mai 2008 relatif « au statut particulier de l'enseignant chercheur », qui vient d'être rendu public dans le JO n°23 daté du 4 mai, évite soigneusement de se poser ces questions. Les rédacteurs de ce décret ne semblent guère s'encombrer de questionnements de ce genre et donnent l'impression que les choses sérieuses peuvent se régler « techniquement », à coups de décrets, de dispositions, d'articles et d'alinéas, plutôt que par un effort réflexif axé sur les données sociologiques, économiques et anthropologiques de la nation. Certains articles dudit décret méritent d'être examinés attentivement, soumis au crible critique, si l'on veut saisir leurs présupposés « philosophiques », leur contenu véritable, et les moyens matériels et humains que ces articles mettent à la disposition des enseignants chercheurs pour concrétiser les objectifs que l'on attend d'eux. La lecture des dispositions générales de ce texte et les articles qui s'y déploient nous laissent en effet fort pantois.

Pour savoir si ce LMD que les Européens ont conçu comme un diplôme unique et valable partout sur le continent est susceptible d'être transposé et appliqué avec succès ou non chez nous, il convient tout d'abord de se demander si nous avons les moyens et les ressources intellectuelles pour garantir le succès de ce diplôme et en faire un équivalent à celui des Européens. Comment réaliser la parité de celui-ci avec celui-là ? Cette question de fonds, le décret exécutif précité ne la pose pas non plus. Il l'esquive carrément. Cet évitement s'explique sans doute par le fait que ses rédacteurs sont plus préoccupés par « la technique juridique » et administrative que par les questions de sociologie et de méthode. Ce défaut les conduit tout naturellement à parler plus des « résultats » que des voies et moyens qui permettent d'y arriver. Ainsi présentent-ils comme acquis ce qui devrait l'être, à savoir les résultats avant les moyens qui permettent de les concrétiser. Ce faisant, ils mettent pour ainsi dire la charrue avant les bœufs.

Le LMD, une forme de plagiat instituée en un système d'enseignement de qualité ?

Le LMD, tel que décrit dans les documents et les textes issus des assises, des colloques et des réunions organisés sous l'égide du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, apparaît à la lecture comme un concept hermétique. Non seulement le profane n'y comprend rien, mais encore les rédacteurs eux-mêmes de ces textes semblent ne pas saisir tout à fait l'objet dont ils parlent. En effet, le LMD est défini par eux plus comme un substantif, comme un nom désignant une réalité abstraite et informe, que comme un concept qui pourrait être opératoire dans le contexte algérien. Il est seulement dit et suggéré que ce LMD ressort d'un « système » dont l'adoption bouleverserait la physionomie de l'enseignement et de la recherche et accélérerait le processus de réforme entamée. A la lecture de ces textes rédigés presque en conciliabule, on est frappé par l'absence de précision et de définition de l'objet « LMD » et des moyens envisagés pour sa mise en application. On sent, par ailleurs, sous la plume de ces experts, l'effet de l'imitation consistant à transposer des notions et des concepts exogènes à un contexte « autochtone » mal préparé au plan intellectuel, conceptuel et méthodologique pour mener à bien les réformes que requièrent « la mondialisation » et la « mise à niveau ».

Alors que la quasi-totalité des enseignants de nos 41 établissements d'enseignement universitaire pataugent dans un flou artistique quant au contenu de ce LMD transposé, le rapport national sur l'évaluation d'étape de l'application de la réforme des enseignements supérieurs, rapport issu des assises nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, pose le LMD comme évident, comme une chose allant de soi. Lorsque les responsables chargés du suivi de l'application de ce système LMD dans les 41 établissements s'avèrent eux-mêmes à l'examen incapables d'expliquer et de définir son contenu, comment peut-on s'attendre à ce que les 149 000 étudiants inscrits en LMD puissent parvenir à en saisir le sens ? Les enseignants eux-mêmes n'en savent pas grand-chose et attendent toujours qu'on leur fournissent des « explications » pour mettre en pratique ce système plaqué. Comme la plupart des enseignants se dispensent de l'effort de réfléchir et de penser en termes de sens et de contenus, ils préfèrent alors s'en remettre aux détenteurs des textes officiels et à leurs « exégètes », en la personne de « chargé du LMD » au niveau des rectorats, lesquels « collent » aux textes dont ils n'entendent d'ailleurs que la forme standard des mots qui les composent. Ce LMD aux contours vagues est censé pourtant avoir fait l'objet d'un « débat » qui aurait mobilisé, du 5 avril au 7 mai 2008, « l'ensemble de la communauté universitaire (étudiants, enseignants) » et ceci « à tous les niveaux (départements, facultés, instituts, établissements universitaires) en impliquant des représentants du secteur socio- économique ». Mais ce qu'il faut entendre par « débat » chez nous, c'est plus des « notes ministérielles », comme celle du 22 mars 2008, des consignes et des recommandations, que de confrontations contradictoires d'idées, de projets et d'enjeux entre les parties prenantes.

Comme ces décrets, ces notes ministérielles et ces recommandations, etc., revêtent une sorte de caractère « sacré », ils ne peuvent dès lors se prêter à un débat contradictoire et moins encore à contestation, puisqu'ils sont le produit d'une réflexion d'experts fondée et justifiée par une jurisprudence presque intangible. Ce qui donnerait plus à ces textes leur « constance » et leur légitimité, ce sont ces journées d'étude organisées, faites d'explications et « de sensibilisation », comme au temps de la fameuse révolution agraire, de colloques, de séminaires… organisés au niveau local, régional et national avec parfois la participation d'experts étrangers. Le signalement de la présence de ces derniers permet de donner une « caution » d'expertise scientifique au LMD, importé et transposé dans le contexte algérien.

Le bilan de quatre années d'application du LMD

Que peut-on dire après quatre années d'application de la réforme LMD ? Le rapport national de synthèse résultat du rapport d'évaluation d'étape a cependant ce mérite de reconnaître des insuffisances et se propose d'en atténuer les effets négatifs sous forme de « recommandations ». Ce rapport, qui s'articule en sept axes, mérite qu'on s'y arrête. Le premier concerne la construction des offres de formation. Il est dit que celle-ci « ne doit plus résulter d'une vision partielle, mais émaner d'un plan de développement mûrement réfléchi par l'établissement sur la base de lignes directrices formulées par la tutelle ». Les rapports de synthèse provenant des différents établissements relèvent des insuffisances nombreuses dont les plus saillantes se reflètent dans la pléthore d'offres qui excèdent les capacités humaines et matérielles des établissements ; dans l'absence d'adéquation avec les compétences scientifiques disponibles ainsi que dans l'environnement socio-économique ; dans l'incohérence entre les programmes d'enseignement et les volumes horaires ainsi qu'à travers le mode d'enseignement du système LMD et enfin dans les parcours ouverts censés viser les mêmes objectifs de formation, mais qui divergent cependant par leur contenu d'un établissement à l'autre. Si la reconnaissance de ces insuffisances doit être louée, elle ne traduit pas moins un aveux d'échec de l'application du LMD. Comment remédier à ces insuffisances constatées ?

Les recommandations issues des conférences régionales comportent quatre éléments desquels dépendrait la réussite de la formation dont les domaines sont définis comme le « champ des compétences de l'établissement ». Dans cette optique, il est donc recommandé la mise en œuvre de quatre procédures : 1. « de comités spécialisés par domaine pour évaluer le contenu des programmes. En effet, il n' y a pas obligation d'uniformité et chaque université doit avoir sa spécificité locale » ; 2. « l'intensification de l'enseignement des techniques de communication et d'expression permettant une meilleure assimilation des programmes qui sont soumis à l'étudiant, ce qui donnera lieu à un travail personnel plus soutenu » ; 3. « l'intégration de l'apprentissage des langues étrangères et de l'outil informatique dans les enseignements » ; 4. « la révision du seuil minimum à partager pour les formations d'un même domaine ». Qui va assurer l'application et le succès de ces recommandations érigées en dispositifs ? Les Commissions nationales spécialisées des domaines (CND) sont désignées comme le cadre idéal et les garantes de cette réussite. Elles sont appelées à s'instituer réglementairement afin qu'elles puissent entretenir un « état de veille » permanent de l'organisation des domaines grâce à « des réunions régulières ».

Le recrutement massif ces dernières années de personnes titulaires de magistères, venues pour la plupart de lycées, voire de collèges, parmi lesquelles figurent quantité d'autodidactes dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, le recrutement d'autres personnes au profil vague par le jeu de « copinage » et de cooptation, voilà qui fait de notre université le point de ralliement d'un ensemble d'éléments confus et hétérogènes, le réceptacle dans lequel se déverse comme à l'improviste une masse d'individus souvent assoiffés par plus d'ambition de réussite et de prestige de « l'universitaire » que de la connaissance désintéressée. C'est parmi cette cohorte que sont le plus souvent « extraits » les experts et les spécialistes en évaluation. C'est que le jeu de copinage, de clientélisme, de clan et de coterie qui règne au sein des établissements universitaires empêche la sélection des meilleurs à la tête des commissions pédagogiques d'évaluation et d'expertise. Ce n'est pas la politique de l'Etat qui est en cause, mais « la politique » des clans au niveau des établissements dont les responsables (recteur, vice-recteurs, doyens, chefs de département…) choisissent leurs hommes de confiance et les désigne comme « experts », évaluateurs, etc., et ce choix se porte presque toujours sur des maîtres assistants, rarement sur des maîtres de conférences ou professeurs. Un seul exemple illustre cette pratique anti-scientifique et anti-compétence : chaque année, le ministère demande aux universités d'envoyer aux conférences régionales des experts pour évaluer les propositions d'ouverture de nouvelles filières ainsi que les contenus des formations.

Or, dans la majorité des cas les « experts » envoyés sont triés plus en fonction de leur allégeance et obéissance au « chef », dont ils dépendent qu'en fonction de leur grade ou compétences. Cette « politique » obéit en fait plus à la logique du pouvoir, à la volonté de conserver ou de renforcer la « position acquise » qu'au souci de servir son université ou la « science », mot dont beaucoup aiment à se gargariser. Lorsque par exemple un recteur ou un doyen redoute la concurrence d'un professeur ou d'un maître de conférences aux compétences affirmées, il prend soin de le marginaliser grâce à son pouvoir administratif et la meilleure façon de rendre cette marginalisation irréversible, c'est de lui préférer un maître assistant comme expert désigné à participer aux assises, à être vice-recteur chargé de la pédagogie, à être président ou membre du conseil scientifique de tel ou tel comité pédagogique, etc. Parmi ces « élus », il en est qui sont, il est vrai, « docteurs » ou baptisés comme tel, mais dont le profil répond tout à fait au critère d'allégeance qui lui est requis. Et la question qui se pose maintenant est de savoir dans quelle mesure ces profils aux figures souvent pâles, pusillanimes et sans consistance sont-ils en mesure de prendre en charge la mise en application du LMD ?

Dans quelle mesure peuvent-ils contribuer à un encadrement de qualité des étudiants aussi bien dans le domaine de la méthodologie que dans celui de l'« enseignement technique de la communication et d'expression » ainsi que de « l'apprentissage des langues étrangères » ? Le prochain article tentera de répondre à toutes ces questions en même temps qu'il mettra en relief l'ampleur des dégâts suscités par une gestion aussi irresponsable qu'incompétente de certains de nos établissements universitaires. Parmi les sept axes retenus par le rapport de synthèse pour pallier les insuffisances relevées en matière d'enseignement du LMD (construction des offres de formation, exigences pédagogiques du LMD, tutorat, supports pédagogiques et didactiques, relations de l'université avec le secteur socio-économique…), je me contenterai d'analyser l'axe 2 ( les exigences pédagogiques du LMD) et l'axe 3 (le tutorat).

Les exigences pédagogiques du LMD

Quoique indéfini, le concept de LMD est posé comme opératoire. Il est réputé être au « centre des réformes » nées du « riche débat engagé » presque en conciliabule, dans les coulisses du ministère de l'Enseignement supérieur. Bien qu'en matière de canevas et de procédures d'habilitation, « les experts » ne soient pas encore « suffisamment imprégnés des nouveaux concepts LMD », celui-ci doit être mis en œuvre en dépit de tous les aléas de l'enseignement et de la recherche. Ses exigences sont ambitieuses et frisent quelquefois l'absurde. Cet absurde saute aux yeux dans la recommandation que voici : « Veillez à l'adaptation de l'enseignement supérieur (enseignants, étudiants et ATS) aux exigences du LMD par l'appropriation des nouvelles pratiques pédagogiques. » Pour s'adapter et se plier aux exigences du LMD, les intéressés que sont les enseignants et les étudiants ne devraient-ils pas tout d'abord comprendre ce dont on parle ? Les discussions informelles ou en aparté entre les enseignants d'une part, et entre ces derniers et leurs étudiants, démontrent que le contenu aussi bien que les moyens de la mise en œuvre de ce concept demeurent flous. Le concept lui-même représente pour chacun une abstraction désincarnée.

Comment parler d'appropriation des nouvelles pratiques pédagogiques lorsque les praticiens eux-mêmes ne sont pas initiés à ce nouveau concept, sans parler du fait qu'ils souffrent cruellement d'une formation initiale pour pouvoir répondre aux « exigences » du LMD ? Les dix-neuf recommandations que comporte ce paragraphe sont tellement ambitieuses et exigeantes qu'elles requièrent des compétences avérées dans les divers domaines de formation, compétences dont on connaît le déficit, sans parler de la prédominance au sein des universités des enseignants aux qualifications discutables ( magistères, maîtres assistants, voire maîtres de conférences de rang A et B). L'absurde en effet réside dans la dichotomie entre le caractère ambitieux et abstrait du système LMD et la faiblesse des moyens disponibles pour sa mise en branle. Lorsqu'on déclare qu'il faut « veiller à la clarification des étapes d'évaluation et de progression dans la formation du système LMD » on suppose l'existence de formateurs qualifiés et d'évaluateurs compétents dans les divers domaines de la formation, ce qui est loin d'être le cas en l'occurrence.

Le Tutorat, fiction ou réalité ?

Figure comme nouveauté dans le rapport de synthèse, la notion de tutorat qui, en Europe, existe depuis belle lurette, s'adapte tout à fait au niveau de développement atteint par les nations qui la composent. Comme le LMD et toutes les notions qui en dérivent, le tutorat apparaît ici plus comme une idée empruntée et plaquée que raisonnée. Dans sa formulation, cette notion imite l'original, c'est-à-dire qu'elle est correctement ou presque copiée des divers textes français et européens relatifs au LMD. La définition même du tutorat n'est guère différente de celle donnée par les établissements français et anglais, notamment. Ainsi le rapport de synthèse en question le définit comme « une forme d'aide individualisée, offerte soit pour accompagner un apprenant qui éprouve des difficultés, soit pour donner une formation particulière, complémentaire ou à distance ». Les termes de cette définition résonnent en effet aux oreilles familières au discours de la sociologie de l'éducation et de l'enseignement en Europe comme quelque chose d'ancien et qui n'a rien donc de nouveau. La nouveauté réside en l'occurrence dans le fait que ces concepts et notions sont transportés tels quels et transposés dans un contexte social, culturel et économique qui n'est guère préparé pour les mettre en application.

Le système de tutorat, qui a fait ses preuves et qui continue à s'appliquer en Occident avec plus ou moins de bonheur, peut-il s'appliquer avec le même profit chez nous ? Avons-nous les ressources intellectuelles suffisantes pour le mettre en œuvre ? Si nous disposons de ressources financières et des infrastructures éducatives des plus importantes de toute l'Afrique, nous manquons en revanche d'encadrement de qualité susceptible de concrétiser les ambitieuses recommandations consignées dans le rapport de synthèse. Ce dernier prétend au contraire que « la réforme LMD a apporté des innovations majeures et des concepts nouveaux dans l'enseignement supérieur. » La réalité comme l'observation attentive de ce qui se passe sur le terrain apportent des démentis cinglants à cette affirmation péremptoire. Si des concepts ont été bel et bien « importés », les présumées « innovations majeures » ne s'observent nulle part. Mais de quelles innovations s'agit-il d'abord ? Je laisse momentanément cette question en suspens et je reviens sur le tutorat. Pour être tuteur d'un apprenant, il faut être non seulement compétent et bien pénétré du concept du LMD, mais avoir aussi à sa disposition un espace de travail doté de tous les moyens indispensables à l'enseignement et à la recherche : un bureau avec ordinateur, téléphone, fax, Internet et des sièges pour accueillir les apprenants, individuellement ou collectivement. Or, dans la plupart de nos universités ces conditions sont rarement réunies. D'abord, la majorité des enseignants, tous corps confondus, ne sont pas intellectuellement lotis pour être des tuteurs. Il suffit de consulter les mémoires de magistères, de thèses ou même de doctorat d'Etat pour se rendre compte de leurs niveaux respectifs.

Autre indice révélateur : les entendre parler de LMD, de méthode de recherche ou lire toute bonnement leurs polycopiés de cours pour se faire une idée exacte de leur niveau de savoir et de savoir-faire. Souvent ces enseignants, auxquels nous avons affaire, ont un savoir et une représentation de l'enseignement ressortant plus d'une approche scolastique, répétitive et prolixe, que d'un esprit méthodique et critique de ce qu'ils lisent et dispensent comme enseignement. Côté environnement de travail, les choses ne vont guère mieux. L'écrasante majorité des enseignants ne disposent pas de bureau et dans certaines universités, ils n'ont même pas de boîte à lettres. En les supposant tous compétents et tous pénétrés de « ces concepts nouveaux » pour s'ériger en tuteurs légitimes, ces enseignants ne peuvent pas dans leur quasi-totalité disposer d'un bureau pour l'unique raison que l'administration se réserve la part du lion, et lorsque des locaux excèdent ses besoins, elle préfère, comme à l'université de M'sila, les laisser verrouillés.

Dans ces conditions, le tuteur ne pourra jamais accomplir sa mission et l'apprenant n'apprendra rien qui vaille la peine. En Europe, aux Etats-Unis, tout comme en Turquie, en Iran, en Indonésie et en Malaisie et même au Maroc et en Tunisie, il est inconcevable qu'un enseignant de rang magistral ne puisse pas disposer d'un bureau. Une telle privation est considérée sinon comme illogique, du moins comme improductive et donc préjudiciable à la fonction enseignante. En Occident, les jeunes doctorants et les « apprenants » sont placés dans des positions bien meilleures que celles de la majorité de nos enseignants : ils disposent, grâce à leurs tuteurs, de bureaux équipés de tous les moyens nécessaires à la recherche et ceci en sus des bourses et des vacations dont ils bénéficient au sein de leur établissement de rattachement. Mais dans le rapport de synthèse qui récapitule les recommandations, le tutorat ne concerne pas seulement l'enseignant, qui n'est qu'un tuteur, parmi d'autres. Il concerne l'ensemble de l'encadrement de l'université, personnel administratif et enseignant. Pour que ce tutorat puisse être efficace et remédier aux faiblesses constatées (manque d'espace imparti à l'accueil des étudiants, surnombre de ceux-ci, inexistence de textes définissant les missions du tuteur) il est préconisé de mettre en place des dispositifs organisationnels de tutorat à trois niveaux : a) accueil , information et orientation ; b) accompagnement pédagogique et travaux personnels ; c ) soutien à l'insertion professionnelle. Le premier point est caractérisé par le constat d'échec au cours la 1re et la 2e années d'études, qui se traduit par un nombre important d'étudiants qui abandonnent leurs études au cours de ces mêmes années, par le nombre sans cesse croissant d'entre eux qui se montrent déroutés, faute de conseils d'orientation pédagogique et par la prise de conscience tardive de la non-pertinence de leurs choix des filières initialement optées. Le point ou le niveau 2 du tutorat est motivé par le constat d'absence de suivi pédagogique et d'effort personnel effectué par l'étudiant, qui se trouve comme abandonné à lui-même. Le niveau trois, enfin, résulte de la nécessité de combler le vide en matière d'orientation professionnelle des étudiants en fin de cycle afin qu'ils puissent s'insérer dans la vie active. Si ces constats mettent en relief des faiblesses bien réelles que d'aucuns pointent du doigt depuis des décennies, les moyens humains et matériels suggérés pour les atténuer s'avèrent en revanche quasiment impossibles à réunir étant donné les multiples carences d'encadrement observées tant au niveau du personnel administratif qu'au niveau des enseignants. Il ne suffit pas d'affecter, par exemple, une hôtesse vêtue d'une tenue réglementaire au bureau d'accueil et d'orientation pour que la question de l'information et de l'orientation soit résolue. Encore faut-il que cette hôtesse soit qualifiée, motivée et réceptive aux demandes émanant des étudiants pour les orienter vers les bonnes directions et non une secrétaire incompétente, revêche et rébarbative comme on en voit dans la plupart de nos établissements universitaires ou dans nos bureaux de poste et de télécommunications.

Il faut aussi en finir avec cette mentalité de rétention de l'information qui prévaut dans la plupart de nos administrations où la moindre demande en ce sens provoque chez l'employé ou le fonctionnaire un mouvement de recul et de suspicion face au citoyen qui lui réclame une information, comme si celle-ci relevait du secret d'Etat. Les exemples de ce type absurde, illogique de rétention de l'information abondent. Ainsi, dans beaucoup de nos universités mêmes, cette rétention de l'information prend des formes fort variées, quasi pathologiques : elle se traduit tantôt par le refus du fonctionnaire de communiquer au citoyen et même à son collègue ou à l'enseignant l'information dont il a besoin ( copie du Journal officiel ou un texte réglementaire…), soit par le refus de fournir une information ne relevant pas de l'ordre du secret professionnel. L'exemple le plus cocasse de ce type de comportement nous est fourni par ce chef du personnel d'une université nationale, mais aussi par cet autre responsable d'un réseau Internet du même établissement qui refusent de communiquer le nombre total d'enseignants par grade, au motif que cela ressort du secret professionnel ! Alors que le nombre, les noms, les âges, les lieux de naissance, le sexe et les grades sont indiqués sur le site de l'établissement, ces fonctionnaires persistent à croire que la divulgation de cette information attenterait « à la vie privée » des gens et partant au « secret d'Etat » ! Ce n'est donc pas avec une telle sous-culture juridique qui se double d'une incompétence têtue que l'on pourra réussir, en l'occurrence, à faire fonctionner de manière efficiente un tutorat sous le label : accueil, information et orientation dans les différents établissements universitaires. Avant de parler d'organisation technique et réglementaire, de tâches et de missions, n'aurait-il pas été préférable de mettre l'accent sur les structures mentales et intellectuelles et donc sur la nécessité de leur refonte profonde, ce qui requiert une formation poussée de l'ensemble du personnel chargé de l'encadrement, du suivi et de l'orientation ? Cette question s'applique aussi aux niveaux 2 et 3 du tutorat indiqués ci-dessus.

L'accompagnement pédagogique requiert, de la part des enseignants permanents des compétences confirmées et des moyens matériels conséquents pour mener à bien leur mission, qui est celle d'assister les étudiants dans la conduite de leurs travaux personnels. Or, ces enseignants censés devoir accompagner pédagogiquement les étudiants sont eux-mêmes, pour la plupart, démunis de moyens matériels et d'outils conceptuels et pédagogiques, et parfois leur environnement intellectuel et social n'a rien à envier à celui des étudiants de niveau master et doctorat, appelés à les épauler en qualité de co-tuteurs « pour chaque groupe d'étudiants de licence ». Le niveau trois du tutorat, relatif au soutien à l'insertion professionnelle, témoigne de la même fiction pédagogique du tuteur qui, dans tous les cas, relève plus du profil idéal, que de l'idéal concret et réalisable. Tous ces tuteurs ainsi dessinés par le rapport national sur l'évaluation d'étape de la réforme des enseignements supérieurs ne sont que des figures idéales et abstraites et non des réalités palpables, possibles et réalisables dans le champ du concret. Lorsque nos structures administratives et mentales sont frappées de rigidité qui les rend imperméables à la flexibilité, à la souplesse, lorsque l'administratif empiète sans cesse sur la fonction intellectuelle et lorsque, enfin, la majeure partie des enseignants demeure comme ankylosée au plan de la production du savoir et des publications de qualité, comment dès lors s'attendre à une réforme réussie de l'enseignement supérieur et de sa mise au niveau des standards internationaux ? L'analyse aussi bien du contenu que de la forme de ce rapport d'étape démontre en effet une méconnaissance de la réalité du terrain qui se traduit par une surestimation des moyens et des capacités dont disposent nos universités. Le texte sur le statut de l'enseignant chercheur relève du même ordre et verse, comme le rapport d'étape, dans les mêmes travers consistant à poser comme réalisable un système (le LMD) dans un contexte et un environnement social, culturel et économique perturbés et dans lesquels les acteurs invités à mettre en pratique ce « nouveau concept » ne sont guère intellectuellement préparés. (A suivre)

L'auteur est chercheur universitaire



Par Ahmed Rouadjia  Journal El watan (EditionAout 2008)

Du LMD au statut de l'enseignant chercheur. (2e partie et fin)



 

L'évaluation et l' assurance qualité

Peut-on parler d'évaluation et « d'assurance qualité », lorsque dans la plupart de nos établissements d'enseignement et de recherche règnent un laxisme absolu, une indifférence totale envers l'obligation des résultats ? Mais qui doit évaluer qui ? Les évaluateurs supposés ont-ils tous les compétences requises pour évaluer leurs pairs ? Existent-ils des instances légitimes et reconnues pour évaluer les différents corps ? Les membres des comités et des conseils scientifiques des Instituts et des départements, etc., disposent-ils des capacités scientifiques pour évaluer les travaux de leurs collègues ? Sait-on que la plupart de nos conseils scientifiques au sein de l'université sont dominés aux trois quarts par des maîtres assistants et titulaires de magistères ?

Les titulaires de doctorats d'Etat, maîtres de conférences et professeurs sont minoritaires et lorsqu'ils siègent dans ces conseils scientifiques, ils arrivent difficilement à influer sur les débats ou sur les orientations pédagogiques. Par ailleurs, beaucoup d'enseignants, même parmi le rang magistral, professeurs et maîtres de conférences n'ont jamais rien produit qui puisse s'appeler « publications scientifiques » dignes de ce nom. En dehors de leurs cours polycopiés, cours qu'ils rebattent à longueur d'année, certains n'ont à leur actif que quelques publications quasi-confidentielles, car éditées par des revues mineures ou par des éditeurs méconnus. Comment ceux-ci peuvent-ils évaluer les enseignants d'échelons inférieurs quand ceux-ci se montrent farouchement opposés à toute évaluation qui est de l'ordre du « copinage » et de la complaisance ? Il faut être au « dedans » et non au dehors de l'université pour apprécier à sa juste valeur la question de l'évaluation. Mais en son chapitre 7, article 23, le décret ministériel en question présente comme un fait palpable l'existence de l'évaluation lorsqu'il déclare que « les enseignants chercheurs sont soumis à une évaluation continue et périodique. A ce titre, ils sont tenus d'établir annuellement un rapport sur leurs activités scientifiques et pédagogiques au terme de l'année universitaire aux fins d'évaluation par les organes scientifiques et pédagogiques habilités ».

Si une telle évaluation et de tels rapports étaient annuellement établis comme il est dit, la situation de nos universités serait bien meilleure, moins sinistrée qu'elle ne l'est à présent. Nous défions quiconque pouvant nous démontrer que ces organes scientifiques et pédagogiques sont à la hauteur de leurs missions et qu'ils disposent réellement de rapports annuels solidement établis par les intéressés. On voit bien que le contenu de cet article de loi ressort plus de vœux pieux et de l'affirmation péremptoire que de la réalité. La réalité est, en effet, bien différente de celle que s'imaginent avec un optimisme béat les rédacteurs de ce décret.

De leur côté, les rédacteurs du rapport national d'évaluation versent dans la même douce illusion lorsqu'ils décrivent comme acquis ou praticable, dans les circonstances présentes, le concept, d'ailleurs emprunté, d'« assurance-qualité ». Défini comme « un processus continue (sic) de la qualité aussi bien de la formation, de la recherche scientifique que du management de l'établissement universitaire », ce concept n'est pertinent et praticable que dans un environnement où toutes les conditions requises d'assurance-qualité (compétence, savoir, savoir-faire, respect élémentaire des règles de l'enseignement et de la recherche…) sont réunies. Or, de telles conditions ne sont point réunies dans nos universités et le concept lui-même d'évaluation répugne sinon à la quasi-totalité du corps enseignant, du moins échappe à son entendement. Les conseils scientifiques institués dans les établissements nous offrent de multiples exemples d'enfantillages, de débats sur des sujets mineurs, de querelles de préséance, de compétition en vue d'avantages matériels ou symboliques (fonctions, stages, bourses…). Lorsqu'il leur arrive de se réunir, ces conseils scientifiques, impressionnant par leur dénomination ronflante, mais vides quant au fond, abordent tous les sujets, sauf l'évaluation et les projets de recherche.

Le plus clair de leurs débats, qui tournent souvent à la dispute, aux clivages d'intérêts et aux conflits entre collègues, gravitent toujours autour des stages et de bourses à l'étranger, mais aussi autour de ces fameuses lettres d'accueil dont on examine à la loupe aussi bien le contenu que la forme pour vérifier si celle du destinataire était ou non authentique, si elle n'était pas falsifiée. Mais comme les règles qui régissent ces conseils scientifiques relèvent plus de l'informel et des rapports de force que fondent le copinage, les affinités des coteries établies, plus que de la transparence, il s'ensuit que la majorité des bénéficiaires sont justement ceux dont les lettres d'accueil sont douteuses, parce qu'elles relèveraient soit de la falsification opérée par l'intéressé lui-même, soit émanent d'un collègue enseignant ou professeur d'une université du Moyen-Orient. Dans certaines de nos universités, le conseil scientifique exige des lettres tamponnées mais repousse celles qui ont des en-têtes. Dans d'autres, les deux formules sont acceptées. Entre les prétendants aux stages, il existe un fort clivage : entre ceux qui reçoivent des lettres de l'Occident et ceux qui en reçoivent de l'Orient. Les deux parties s'accusent mutuellement de falsification de lettres ou d'identification ou d'allégeance à l'une ou à l'autre de ces deux aires culturelles. On voit bien que l'enjeu essentiel du stage brigué n'est pas ce qui est affiché : la formation, le perfectionnement à l'étranger, mais le pécule et le voyage vers l'ailleurs auxquels ce stage donne droit. Au lieu d'être bénéfique pour les intéressés, l'université et le pays, ce droit au stage généreusement octroyé par l'Etat est devenu une véritable forme de perversion intellectuelle, une sorte de prime d'encouragement au renoncement au goût intellectuel et à l'effort réflexif. Que nous apportent ces stagiaires à leur retour au pays ? Des vêtements, des bouts de tissus votifs, des chapelets et des parfums d'Orient ou des gadgets de la modernité occidentale et rarement des livres et un savoir particulier, utile pour le relèvement intellectuel de la nation…

Dans ce contexte, on voit que la mentalité, qui préside au destin de l'enseignement et de la recherche, relève plus de l'esprit d'apothicaire que de l'esprit d'une recherche désintéressée du sens et du savoir… Souvent, les conseils scientifiques des universités, des facultés ou des départements se révèlent à l'examen comme des coquilles vides. Présidés par des docteurs ou pseudos docteurs, ils passent le plus clair de leur temps en réunion interminable à se chamailler sur des questions de procédures et surtout à débattre des questions puériles qui n'ont rien à voir avec la recherche. Parler dans ces conditions d'évaluation et d'« assurance qualité » prête à sourire, surtout lorsque près des trois quarts des enseignants sont constitués d'assistants et de maîtres assistants, dont le niveau scientifique laisse à désirer. Dans certains établissements, l'encadrement souffre tellement de carence que l'on recourt aux emplois précaires, à des magistères et à des licenciés dont le parler, l'écrit et le raisonnement se révèlent à l'examen critique, désastreux. L'emploi de ces précaires, opéré sous la pression des besoins en manque d'encadrement ou par le jeu de copinage, contribue à transformer l'université en un réceptacle de tous les diplômés semi-lettrés et des autodidactes en quête du pain et du « prestige » de la fonction… Dans la plupart de nos établissements universitaires, des licenciés sont appelés en renfort des assistants et maîtres assistants et certains de ces jeunes licenciés ont des faces tellement juvéniles et des comportements puérilsqu'on les confondrait avec leurs étudiants de quatrième année d'histoire, de sociologie, de droit ou de langue étrangère.

Emploi du temps et profils des encadreurs

Les experts fonctionnarisés de notre MESRS, qui ne prennent guère la peine de consulter les enseignants confrontés au problème du terrain ont conçu donc un nouveau statut de l'enseignant chercheur qui, à l'examen, s'avère inadapté aussi bien aux moyens dont dispose l'enseignant qu'aux compétences que requiert l'enseignement de qualité (al-jawda), évoqué par le ministre en charge de ce secteur, lors de son passage à la télévision (El Mountada). Pour saisir ce dont il est question, il convient de s'en tenir tout d'abord aux catégories d'enseignants définis par le nouveau statut sous la rubrique de « nomenclature des corps » avant d'aborder la définition des tâches assignées à chacun de ces corps. Déclinée en quatre catégories, cette nomenclature des corps se présente ainsi : assistants, maîtres assistants, maîtres de conférences et professeurs. Les assistants sont toujours réputés depuis des années comme un corps en pleine extinction, mais qui demeure cependant maintenu comme tel. Ce sont surtout les tâches assignées à chacun de ces corps qui va tout d'abord retenir notre attention. Pour les quatre corps cités, les tâches à effectuer sont quasi-identiques, sauf que pour les maîtres de conférences et les professeurs, les missions sont bien plus lourdes que les autres corps. Les tâches identiques pour les quatre corps d'enseignants consistent pour chacun à assurer des travaux dirigés ou des travaux pratiques selon le volume horaire prévu dans l'article 6, soit neuf heures hebdomadaires ; à corriger les copies des examens dont chacun a la charge ; à participer aux délibérations des jurys d'examen et à prendre part aux travaux de son équipe ou de son comité pédagogique. Cependant, les maîtres de conférences classe A, pour ne pas parler des professeurs, se voient assignés a des tâches lourdes au terme de l'article 44 du nouveau statut, missions si lourdes que les moyens mis à leur disposition se trouvent bien en deçà de l'indispensable. Pour mesurer l'ampleur des tâches imparties aux maîtres de conférences classe A, il suffit de reprendre l'énumération reproduite dans le Journal Officiel avant de confronter, ensuite, ces missions aux moyens et temps offerts à l'enseignant pour les réaliser. De quoi est-il chargé cette enseignant et dans notre cas le maître de conférences ? Il est chargé d'assurer un enseignement sous forme de cours selon le volume horaire prévu à l'article 6 ci-dessus ; d'assurer l'élaboration de polycopiés, de manuels et de tout autre support pédagogique ; d'assurer le bon déroulement des examens dont il a la charge ; de participer aux travaux de son équipe et/ou de son comité pédagogique ; de participer aux activités de conception et d'expertise pédagogiques en matière d'élaboration de programme d'enseignement, de mise en place de nouvelles formations et d'évaluation de programmes et de cursus ; d'assurer l'encadrement des maîtres assistants dans la préparation et la mise à jour des travaux dirigés et des travaux pratiques ; d'assurer l'encadrement de la formation pédagogique des enseignants stagiaires ; d'assurer l'encadrement des activités de formation externe des étudiants ; de recevoir les étudiants trois heures par semaine pour les conseiller et les orienter. « D'un point de vue théorique, cette assignation des tâches paraît impeccable, imparable. Mais d'un point de vue pratique, elle relève d'une tâche impossible. D'abord, la plupart de ces enseignants ne disposent guère, comme leurs pairs iraniens, turcs, tunisiens, pour ne pas parler de leurs homologues allemands et français, d'espace de travail et d'équipements scientifiques adéquats (bureaux, téléphone, ordinateurs, internet, etc.) pour accueillir durant trois heures par semaine leurs étudiants ; ensuite, il est rare en effet de trouver à l'heure actuelle, dans les différentes universités du pays, des maîtres de conférences et de professeurs à la tête de véritables équipe de recherche, de comité pédagogique ou de chargés de formation et d'évaluation de programmes de cursus. Le LMD : 3 ans pour la licence, 2 pour le mastère et 3 pour le doctorat. (Algérie) L'accueil des étudiants (trois heures par semaine). Le corps des maîtres assistants. Art. 32 : le corps des maîtres assistants comporte deux grades :
- maître assistant classe B ;
- maître assistant classe A. Le maître assistant B et A sont tenus chacun, en sus des tâches précédemment citées, de « recevoir les étudiants trois heures par semaine pour les conseiller et les orienter ». (art. 33). Le corps des maîtres de conférences Il comporte également deux grades : classe B et A. Art. 41 : maître de conférences classe B Outre les tâches précitées, le maître de conférences classe B doit « préparer » et actualiser ses cours ; assurer l'élaboration de polycopiés, de manuels et de tout support pédagogique ; assurer l'encadrement des activités de formation externe des étudiants ; recevoir les étudiants trois heures par semaine pour les conseiller et les orienter. Article 44 : maître de conférences classe A, celui-ci est chargé d'assurer un enseignement sous forme de cours selon le volume horaire prévu à l'article 6 ci-dessus ; d'assurer l'élaboration de polycopiés, de manuels et de tout autre support pédagogique ; d'assurer le bon déroulement des examens dont il a la charge ; de participer aux travaux de son équipe et/ou de son comité pédagogiques ; de participer aux activités de conception et d'expertise pédagogiques en matière d'élaboration de programme d'enseignement, de mise en place de nouvelles formations et d'évaluation de programmes et de cursus ; d'assurer l'encadrement des maîtres assistants dans la préparation et la mise à jour des travaux dirigés et des travaux pratiques ; d'assurer l'encadrement de la formation pédagogique des enseignants stagiaires ; d'assurer l'encadrement des activités de formation externe des étudiants ; de recevoir les étudiants trois heures par semaine pour les conseiller et les orienter. (JORA, 3 mai 2008).

Le plagiat

Là où le décret doit être cependant salué, c'est à propos du plagiat. En cette matière, les rédacteurs innovent par l'introduction dans le texte des notions de faute et de sanction. En son chapitre 8, article 24, le décret stipule expressément qu'il « … est considéré comme faute professionnelle de quatrième degré le fait pour les enseignants chercheurs d'être auteurs ou complices de tout acte établi de plagiat, de falsification de résultats ou de fraude dans les travaux scientifiques revendiqués dans les thèses de doctorat ou dans le cadre de toutes autres publications scientifiques ou pédagogiques ». En effet, le plagiat a été longtemps l'une des spécialités néfastes de beaucoup de nos étudiants et chercheurs qui n'avaient aucun scrupule à copier les autres, à « pomper » leurs pairs. Les nombreux mémoires de magistères, de thèses de doctorats de troisième cycle et d'Etat que nous avons pu lire ici et là témoignent en effet d'un honteux « pillage » d'œuvres célèbres. Outre ce plagiat « sauvage » et ce remplissage désordonné, il y a ces « méthodologies » confuses employées dans les mémoires et qui prétendent encadrer des problématiques scientifiques. Il était temps, enfin, de mettre en sourdine ce pillage inadmissible et partant préjudiciable à la qualité de l'enseignement et de la recherche. Mais si dissuasif qu'il puisse être, cet article sur le plagiat pourrait facilement ne pas être respecté tant l'encadrement de qualité et les mécanismes de contrôle efficaces demeurent cruellement faibles. Si certains plagiats sont facilement détectables, parce que trop voyants ou trop « grossiers », d'autres sont en revanche plus « subtiles », car éparpillés dans le mémoire tandis que les références et les sources réelles sont escamotées ou attribuées à des auteurs autres que ceux consultés, ce qui est une manière astucieuse de donner le change. Décret exécutif n°2003-279 du 23 août 2003 fixant les missions et les règles particulières de l'organisation et de fonctionnement de l'université. Du chef de département article 56 : le chef de département est responsable du fonctionnement logique et administratif du département et il exerce l'autorité hiérarchique sur le personnel placé sous sa responsabilité. Il est assisté de chefs de département adjoints, de chefs de service et, le cas échéant, de chefs de laboratoire. Le chef de département est nommé, pour une période de trois ans, parmi les enseignants permanents justifiant du grade le plus élevé par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur sur proposition du doyen et après avis du recteur. DEUG : diplôme d'études universitaires générales En France, diplôme national qui sanctionne le premier cycle des études universitaires longues et qui se prépare en deux ans. Licence : diplôme universitaire sanctionnant la première année d'études du second cycle. Maîtrise : grade universitaire sanctionnant le second cycle de l'enseignement supérieur. DEA : diplôme du troisième cycle de l'enseignement supérieur, sanctionnant une année d'initiation à la recherche. Les critères de cette évaluation doivent tenir compte, outre de la nécessaire qualité des formations et de la réalité de leur adossement à la recherche, de la cohérence générale du projet, de l'établissement dans le cadre de son approche de la politique de site, de l'avenir des diplômés, des relations avec les milieux socio-économiques et de l'ouverture internationale. Ces éléments doivent constituer le noyau central du cahier des charges de l'évaluation des demandes d'habilitation. Ce cahier des charges doit respecter l'autonomie des établissements et en particulier leur capacité d'initiative et d'expérimentation. Ce noyau central peut être complété par d'autres points concernant plus particulièrement certains types de diplômes ou certains champs de formation. Des groupes d'experts peuvent être sollicités pour préciser ces éléments plus spécifiques.

Le rôle des experts

Certes, les diplômes nationaux et les établissements qui les délivrent sont très divers, mais le fait qu'ils soient nationaux justifie d'une certaine homogénéité des procédures et des méthodologies d'évaluation des demandes d'habilitation. A cet égard, la situation actuelle, qui fait relever l'évaluation d'approches différentes certains de ces cursus (licences professionnelles, mastères professionnels dans les écoles d'ingénieurs, formations de commerce et de gestion) paraît devoir évoluer. Les comités de suivi proposent que tous ces diplômes insérés dans le système du LMD soient habilités via un dispositif d'évaluation tenant compte des éléments communs indiqués dans le cahier des charges, indiqué plus haut. Ce dispositif d'évaluation peut s'inspirer de certaines des expériences positives de ces « commissions nationales d'évaluation spécialisées » . Ainsi, il paraît utile de veiller à la place des professionnels dans les groupes d'experts chargés de l'évaluation des projets ou encore de savoir évaluer des demandes urgentes avec rapidité. Le détail de la composition de ces groupes d'experts ou de ces commissions (place des professionnels, des universitaires étrangers, de représentants de divers ministères…) dépendra naturellement des champs et des objectifs de formation. Mais les comités ne sont pas favorables à ce que ces groupes ou commissions soient constitués en regard de la nature institutionnelle des établissements (universités, autres EPSCP, ou autres) ou des ministères exerçant la tutelle sur les établissements. La mise en place du LMD doit faciliter la diffusion des cultures de ces diverses institutions, afin de tirer le meilleur parti de cette diversité et ne doit pas renforcer les découpages institutionnels très spécifiques à notre pays. Une approche commune de l'évaluation s'appuyant sur des critères et une méthodologie connue de tous est l'un des moyens efficaces pour y arriver. De ce point de vue, la présence d'universitaires d'autres pays européens serait généralement utile. Enfin, la composition de ces groupes ou commissions doit être rendue publique. Les décisions d'habilitation, prises par le ministre en charge de l'Enseignement supérieur ou les ministres concernés après avis des instances consultatives, doivent tenir compte des évaluations sur chaque projet, mais aussi de questions plus globales comme l'insertion dans la politique générale de l'établissement, la politique de site, la carte nationale des formations.

Quelques conditions générales de la mise en place du LMD

La possibilité de délivrer les diplômes de licence et de mastère dans plusieurs types d'établissements n'a de sens que si certaines conditions, plus générales que celles évoquées jusqu'à présent, sont satisfaites. Il s'agit tout d'abord de pleinement informer les étudiants, leurs familles et les employeurs sur les diplômes habilités par l'Etat. De ce point de vue, nous rappelons que nous avons déjà suggéré au ministère de l'Education nationale de constituer une base publique de données sur les diplômes nationaux habilités. Cela doit s'accompagner d'une protection effective de ces diplômes, mais aussi des titres et des grades qui leur sont liés. Il est nécessaire que le ministère demande aux établissements qui entretiennent la confusion entre les diplômes qu'ils délivrent et les diplômes nationaux, notamment les mastères, ou qui présentent de façon ambiguë leurs formations, de mettre fin à ces pratiques illégales. En cas de refus, il faudra engager des poursuites devant les tribunaux. Certaines professions ou études préparatoires à des professions font l'objet d'un accès réglementé, dont l'un des éléments importants est une liste de diplômes permettant de postuler à ces professions ou à ces études. Il est nécessaire de réviser cette réglementation pour y intégrer les nouveaux diplômes du LMD, et en particulier les diplômes de mastère. Cela nécessite des discussions approfondies, diplôme par diplôme et profession par profession, dans le cadre des directives régissant la liberté de circulation et d'installation professionnelle dans l'Union européenne. Ces chantiers, qui ont souvent une certaine ampleur, doivent impliquer les professions, mais aussi les filières de formation. Enfin, les établissements qui participent au service public de l'enseignement supérieur, ne doivent pas se retrouver opposés dans une concurrence biaisée par des conditions d'exercice radicalement différentes. Dans l'intérêt des étudiants et pour favoriser la qualité de leurs formations, où qu'elles se déroulent, les comités sont en faveur d'une émulation libre, sous la réserve importante qu'elle ne soit pas faussée. L'Etat doit veiller à ce que chacun de ces établissements puisse avoir les meilleures chances de faire valoir ses compétences, dans le cadre de ses objectifs, tels qu'ils sont reconnus dans les contrats d'établissement.

L'auteur est : Chercheur universitaire


 

Par Ahmed Rouadjia

 


18/08/2008
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