A côté des pédagogies traditionnelles d’autres pédagogies ont vu le jour. Ces dernières sont centrées sur l’apprentissage c'est-à-dire sur l’apprenant et mettent ainsi à sa disposition les moyens d’apprendre et de réussir. En effet, l’enseignement est passé de la transmission des savoirs au développement des savoir-faire.
Comme l’écrit A. Prost « la notion d’apprentissage a l’immense mérite de renvoyer du dire du maître au faire de l’élève ». L’enseignant devient donc « le responsable de l’apprentissage », il doit ainsi, non seulement, maîtriser sa discipline, connaître les processus d’acquisition des connaissances, les méthodes de travail et d’évaluation mais aussi assister l’élève dans son travail personnel en effectuant l’évaluation et en l’aidant à réaliser son projet.
Pour ce faire, l’enseignant doit pour la réussite de sa tâche utiliser tous les moyens pédagogiques mis à sa disposition entre autre le manuel scolaire.
Comme énoncé précédemment les pédagogies contemporaines prônent la prise en compte de l’activité de l’élève, de son intérêt, de sa motivation et de son engagement. Le projet est apparu donc comme une nécessité pour l’adaptation et la dynamisation de l’acte éducatif en mettant en relation une individualisation de la gestion des apprentissages en classe et une programmation d’actions. Ce concept de projet concerne aussi bien, l’élève que l’école. Il est utile de rappeler que Jean Vial a défini la pédagogie de projet comme « l’ensemble des attitudes mentales ou gestuelles des conduites et procédures qui autorisent la définition, l’accomplissement et l’exploitation d’un projet ».
Ainsi dans cette optique, les objectifs sont « hiérarchisés ». L’enseignant et l’élève, en étant les principaux acteurs, élaborent ensemble un contrat de réalisation. L’élève est donc actif, il s’approprie son savoir et ses savoir-faire en les concrétisant dans la réalisation du projet. Prenons l’exemple du manuel de 1ère AM de français langue étrangère, les objectifs sont clairement énoncés ce qui incite l’élève à devenir acteur de ses apprentissages puisque dès le départ il est conscient de ce qu’on attend de lui.
La progression des apprentissages n’étant plus restreinte à une année scolaire, elle est ouverte et élargie à des « cycles d’apprentissages pluriannuels ».Les nouveaux programmes de français en sont une parfaite illustration. En effet, le projet s’étale sur tout le cursus du moyen. De la prise de contact avec les différents types de textes narratifs, l’élève approfondira ses connaissances des textes descriptifs pour pouvoir les insérer dans d’autres types de textes. Donc, en deuxième année, l’élève réintégrera ses acquis antérieurs pour pouvoir avancer et appréhender des situations plus complexes.
En fait, l’apprentissage par projet « est conçu comme une réponse à une demande, un problème. L’apprentissage devient un "acte naturel", qui s’étale sur le temps et la pédagogie de projet vise alors des compétences à acquérir en fin de parcours. »
En plus de la pédagogie de projet qui est traduite dans les manuels cités il y a la pédagogie de l’intégration qui est fortement représentée et ce, à travers les concepts suivants :
- La compétence qui est un ensemble intégré de capacités qui s’exercent de manière spontanée sur des contenus dans une catégorie donnée de situations pour résoudre des problèmes posées par celles-ci.
- La table de spécification qui est un tableau à double entrée précisant les objectifs spécifiques qui constituent la compétence.
- L’objectif terminal d’intégration (OTI) au sens de DE KETELE (1989) va plus loin que le concept de compétence dans la mesure où il invite à articuler l’ensemble des compétences et des autres acquis (contenus, objectifs, capacités…) autour d’un objectif d’intégration unique. Sachant que terminal veut dire que l’objectif vise à établir la synthèse de toute une année ou tout un cycle.
Ces trois concepts ont été pris en considération dans la conception et l’élaboration des manuels des deux premières années du moyen, il est possible de vérifier leur adéquation avec les nouveaux concepts les régissant.
Il est clair que les nouvelles perspectives pédagogiques découlant de l’approche par compétences ont fait que le manuel scolaire n’est plus simple source d’information. Il connaît aujourd’hui une mutation tant sur le plan de la forme que sur celui du contenu sans oublier la démarche proposée.
Par ailleurs, pour qu’un manuel serve la pédagogie de l’intégration il doit nécessairement, poursuivre les fonctions de développement de capacités et de compétences ainsi que l’aide à l’intégration des acquis.
La table de spécification citée précédemment et qui a été proposée par Bloom et ses collaborateurs montre comment le développement d’une compétence de base nécessite
« L’intégration des différentes capacités visées ainsi que celles de différents domaines de contenus. Pour maîtriser la compétence l’élève doit donc réaliser une série d’activités lui permettant de dominer des capacités appartenant aux différentes capacités et portant sur des contenus des différents domaines de contenus ».
Cette table à double entrée précise les objectifs spécifiques qui constituent la compétence. Elle permettra l’organisation concrète des séquences qui "font" le manuel. Ainsi pour chaque compétence de base « des paliers de compétences, sont définis de telle sorte à accroître les moments d’intégration ».
Enfin, les concepteurs du manuel scolaire doivent toujours établir un objectif terminal d’intégration, « terminal » signifie alors que l’objectif « vise à établir la synthèse de toute une année ou de tout un cycle ».
Par exemple, pour ce qui est de l’objectif terminal d’intégration du manuel de la 1ère année moyenne, il a été défini de la manière suivante : l’écriture d’un conte. Pour y arriver l’élève devra acquérir des compétences spécifiques (commencer un récit, le développer et enfin le terminer…) qui une fois combinées entre elles lui permettront d’accomplir le travail final dans les meilleurs conditions.
L’objectif terminal d’intégration ne devrait pas être défini après les compétences de base, mais devrait figurer au programme élaboré dans une perspective d’intégration.
Une fois les compétences et l’objectif terminal d’intégration définis, les concepteurs proposent des séquences de travail. Cette structuration en séquences permettra de développer des capacités et donc de travailler progressivement les différents objectifs, et de les intégrer pour développer les compétences requises.
Pour cela, après un certain nombre d’objectifs, une séquence d’intégration devrait être proposée à l’élève afin de vérifier s’il est en mesure de mettre en œuvre, en puisant dans ses ressources, ses savoirs et savoir-faire.
En définitive, afin que le manuel scolaire serve la pédagogie de l’intégration, il faut qu’il soumette à l’enseignant et à l’élève des informations et des situations pouvant être un point de départ à l’apprentissage et non un point d’arrivée. Par ailleurs, dans ce contexte, l’enjeu pour les concepteurs des manuels scolaires est de concevoir des outils qui permettent d’apprendre en profondeur à utiliser toutes les sources de savoir, quelles qu’elles soient.
Enfin, à l’ère de l’information à profusion, le manuel scolaire est susceptible d’occuper une place essentielle dans l’apprentissage et cela sous de multiples formes qu’il reste à exploiter.
Par Mme Tighiouart Nabila |