ENTRETIEN avec M. Xavier Roegiers, ingénieur polytechnicien et de l'éduc
ENTRETIEN avec M. Xavier Roegiers, ingénieur polytechnicien et de l'éducation
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L'éducateur : « Beaucoup de systèmes éducatifs de par le monde ont adopté cette pédagogie. Où avez-vous effectué vos expériences ? Comment les élèves peuvent-ils développer les compétences visées ? X.R : « L'approche par les compétences a été opérationnalisée progressivement dans plusieurs pays d'Europe et d'Afrique entre autres, la Belgique, la Suisse, la Tunisie, le Gabon, le Djibouti, le Sénégal, la Mauritanie, le Liban … dans les curriculums de l'enseignement primaire et moyen correspondant à la scolarité obligatoire ainsi que dans l'enseignement technique et professionnel. Elle est appuyée par des organismes internationaux tels l'Unicef, l'AIF*, l'Union Européenne, la Banque Mondiale. Pour tout système éducatif voulant développer des pratiques de classe intégratrices, il est nécessaire de mener une réflexion en profondeur sur les curriculums (les programmes d'enseignement), l'évaluation des performances des élèves ainsi que sur les manuels scolaires. Dans certains pays, on propose que tous les apprentissages s'arrêtent pendant une semaine ; au cours de toute cette semaine, les élèves sont soumis à des situations problèmes complexes qu'ils sont invités à résoudre individuellement. Situations nécessitant une production complexe de leur part et au sein desquelles chaque élève est invité à intégrer ses acquis. Elles correspondent à un niveau déterminé de maîtrise de la compétence appelé" palier de la compétence ". Ainsi, une première situation complexe est présentée aux élèves à titre d'apprentissage de l'intégration. Elle est travaillée en groupe puis individuellement. Une deuxième situation, qui fait partie de la même famille de situations que la première, est ensuite présentée à ces mêmes élèves, de manière individuelle et ce, en vue d'une évaluation formative. Cette deuxième situation est suivie d'une remédiation basée sur les erreurs relevées chez ces apprenants. Donc, pour être plus clair, l'année est divisée en cinq périodes de six semaines. Les cinq premières semaines sont consacrées, comme c'est expliqué précédemment, aux apprentissages ponctuels qui vont nourrir les compétences c'est-à-dire, les savoirs, les savoir-faire et les savoir être. Ces apprentissages se déroulent – dans un premier temps, dans tous les cas – selon les pratiques habituelles des enseignants avec les manuels existants. En d'autres termes, le changement principal intervient pendant la 6e semaine appelée " module d'intégration " ou semaine d'intégration. »
L'éducateur : « Qu'en est-il de vos expériences dans ces pays, y avez-vous effectué une évaluation sur l'impact de l'introduction de l'Approche Par Compétences (APC)? X.R : « Bien sûr, une évaluation a été effectuée dans plusieurs pays qui ont suivi ce type d'enseignement. Pour plus de précision, une étude relative à l'impact de l'introduction de l'APC sur les résultats d'élèves d'une réforme des curriculums à Djibouti, en termes de compétences de base, a été menée en mai 2003. Les performances de deux groupes d'élèves (un groupe expérimental et un groupe ayant suivi l'ancien curriculum) issus de classes de fin de 2ème année primaire de niveaux comparables ont été testés en français oral, en français écrit et en mathématiques. Ainsi, les résultats de cette étude montrent, sur le plan de l'efficacité, que l'approche par les compétences conduit à un gain significatif qui se situe autour de 3 points sur 20 en faveur des élèves ayant bénéficié de cette approche (classes expérimentales) dans chacune des trois épreuves « situations », c'est-à-dire celles qui proposent des situations complexes correspondant aux compétences visées. Ce gain permet de faire réussir environ le double des élèves par rapport à l'approche classique. Sur le plan de l'équité, ces mêmes résultats montrent que cette approche profite à toutes les catégories d'élèves (les forts, les moyens, les faibles et les très faibles), mais surtout à la catégorie des élèves faibles. Tous les élèves bénéficient donc des apprentissages. Autrement dit, cela signifie que l'action pédagogique dans l'approche par les compétences profite avant tout et surtout à ceux qui en ont besoin, c'est-à-dire les plus faibles. Si ces résultats se confirment à travers l'ensemble de la scolarité, ils ne peuvent que conduire à une amélioration de l'efficacité externe de tout système éducatif, par une réduction de l'analphabétisme fonctionnel et par une meilleure adéquation des élèves aux exigences des études supérieurs et du monde du travail. » L'éducateur : « Comment adopter cette pédagogie d'intégration dans nos programmes d'enseignement et dans notre école ? X.R : « Pour adopter cette pédagogie dans vos programmes, il est indispensable d'installer des semaines d'intégration, de revoir carrément la structure même du manuel (le remodeler en fonction de la compétence de base), d'introduire dans les manuels scolaires des situations d'intégration et il faut le faire évaluer. Par ailleurs, il faut changer le système d'évaluation (évaluer par des situations complexes), faire évaluer les apprentissages ponctuels en mettant les élèves en situations, introduire des grilles d'auto-évaluation et favoriser tout ce qui permet à l'élève d'être maître de ses apprentissages . Au niveau des programmes, il faut définir les deux ou trois compétences de base que l'on veut faire acquérir aux élèves à la fin de l'année soit par discipline, soit par famille de discipline (histoire/géographie ; physique/chimie). Autrement dit, il s'agit de réduire strictement le nombre de compétences. Ainsi, l'ensemble des apprentissages de chaque année et de chaque discipline doivent être articulé autour de deux à trois compétences de base à apprendre par les élèves tout en visant des compétences très complexes et très complètes. Par exemple, en fin de la 2ème AP, dans une situation de communication, l'élève doit être en mesure de produire trois phases correctes et pour passer en 3ème AP, chaque élève doit avoir cette compétence. Tandis qu'en mathématiques, il doit être capable de résoudre une situation-problème significative faisant appel à l'addition de plusieurs termes sur les nombres de 0 à 100. » L'éducateur : « Quel avenir pour les compétences en Algérie ? X.R : « Je pense qu'il y a un avenir pour les compétences, si on choisit un modèle de compétences qui permet aux élèves, au terme de la scolarité, de s'insérer dans la vie active et de poursuivre leurs études. Mais il en existe plusieurs ; il faut faire un choix bien déterminé. En conclusion, suite à la prise de conscience de l'importance des compétences transversales, il ne faut pas critiquer les approches telles que le behaviorisme, il ne faut pas, non plus, basculer vers le constructivisme. La pédagogie par objectifs a fait avancer l'école, il faut la compléter par l'approche par les compétences. Cela ne veut pas dire revenir au behaviorisme qui s'intéresse au résultat. Enfin, pour ramener les enseignants à raisonner situations problèmes, stratégiquement, je recommande des semaines d'intégration et d'introduire très rapidement dans les évaluations certificat ives des épreuves situations complexes. Pour terminer, il ne faut pas croire au miracle, qui n'existe pas en pédagogie. Si on met l'accent sur l'exploitation de situations d'intégration pendant une semaine sur 6, on peut procurer un gain qualitatif important dans les apprentissages, pour l'ensemble des élèves et surtout pour les plus faibles d'entre eux. Bien entendu, cela peut être concrétisé grâce aux efforts de l'ensemble des catégories d'acteurs du système et à une volonté politique de la part des décideurs en éducation. Et pour de plus amples informations, contactez-moi au www.Bief.be. » Par Mme Belanteur Aicha et Melle Boukertouta Habiba
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